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l’homme et la terre. — internationales

était difficile, eussent été bien embarrassés pour donner un caractère général à leurs soulèvements, presque toujours locaux, dirigés contre un maître ou contre maître abhorré, et le nombre rapidement croissant des affranchis introduisait entre Africains et Africains une rivalité d’intérêts et de sympathies. En outre, la surveillance de l’île était facile : les navires pouvaient sans peine bloquer les principaux abords de la côte, et la forme très étroite de Cuba permettait à une armée espagnole de balayer à l’aise tout l’intérieur du pays. Tout cela, certainement, expliquait dans une certaine mesure la ténacité du gouvernement espagnol comme dominateur de Cuba, mais quel homme d’Etat eût pu compter à la fois sur l’extinction pacifique de l’esclavage et sur la constante longanimité des âpres et tout-puissants voisins du nord, les marchands américains ? La perte de Cuba, de Puerto-Rico, des îles Vierges n’était pour l’Espagne qu’une question de temps.

Comme la péninsule Ibérique, après ses essais de république fédérative, la France, après la Commune, était emportée par un mouvement de réaction outrancière. Mais, de même qu’en Espagne, il était impossible aux gouvernants français d aller vers le passé aussi loin qu’ils le voulaient et que la logique leur commandait de le faire. D’abord, ils n’osèrent pas rétablir la royauté, ce qui, pourtant, était leur premier devoir de « ruraux » et de chrétiens. La terrible résistance de ce Paris qu’ils haïssaient, qu’ils avaient fui, et qui les fascinait pourtant, les avait emplis de terreur, obligés même à faire des promesses, à offrir des garanties qu’il eût été difficile de récuser aussitôt. Au moins les fils des communalistes massacrés purent-ils, voyant les choses de haut, attester la victoire de leurs pères, puisque dans le maintien du mot « République » il y avait quand même la reconnaissance d’un principe nouveau, celui du droit de l’homme se substituant au droit divin. Les fanatiques de réaction le comprenaient bien ainsi, mais ils étaient liés, amarrés par tout un réseau de circonstances qui les empêchaient de rétrograder par delà le siècle jusqu’aux années qui précédèrent la date fatale de 1789. Même le roi qu’ils avaient choisi, et auquel ils reconnaissaient le double privilège de réconcilier les deux branches de la monarchie, puisque l’héritier naturel du comte de Chambord était le petit-fils de Louis-Philippe, même ce roi, vraiment providentiel, refusa au dernier moment de risquer l’aventure d’une restauration. La royauté dut abdiquer par impuissance sénile ; mais, longtemps après décès, les morts gouvernent