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l’homme et la terre. — internationales

pour y trouver des clients dans leur commerce ou dans leur profession ; à cet égard, Paris est dépassé par d’autres agglomérations urbaines où se crée plus de richesse monétaire et en moins de temps ; il s’agit surtout de ceux qui sont appelés par la vie intellectuelle, morale, artistique de la cité, par le charme qu’elle exerce comme personne collective : on se sent fasciné par elle. Paris est le pays tropical, le printemps perpétuel de l’intelligence. Les chiffres traduisent cet état de choses puisque, toutes proportions gardées, Paris est la ville capitale qui reçoit de beaucoup la plus forte part de visiteurs, la vie s’y fait ainsi plus intense et plus variée dans ses manifestations.

Les éléments primordiaux de la population indigène présentent aussi, au point de vue de l’évolution, un caractère frappant de dualité ethnique. L’étude de la carte des Gaules nous montre les Belges, peuples qui étaient certainement germains ou fortement germanisés, se rencontrant, dans les basses vallées de la Marne et de l’Oise, avec les Celtes proprement dits : là, les deux nappes s’unissaient, apportant chacune son caractère propre ; l’hérédité, legs du milieu antérieur, produisait des contrastes forcés dans la mentalité et les énergies des diverses populations qui, depuis des siècles et des siècles, travaillaient à se mélanger et à se fondre en des millions de familles. Cette lutte continue qui s’opère dans les profondeurs sociales doit se manifester par une effervescence plus grande, par un travail extérieur dont la force va, dans les occasions exceptionnelles, jusqu’aux explosions révolutionnaires. Elles peuvent se produire tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, soit dans la direction du progrès, soit, au contraire, en un mouvement de régression. Ainsi, pendant la période de la Réforme, le Paris des Ligueurs œuvrait incontestablement au service de l’Eglise contre la pensée libre : ce fut une triste contre-révolution que le massacre de la Saint-Barthélemy ! Mais, en d’autres circonstances, Paris se trouva certainement en tête de la nation française, combattant et souffrant pour la cause commune de tous les peuples. La décade qui porte par excellence le nom de « Révolution » mérite réellement d’être distinguée entre toutes par le flot de sentiments et de pensées dont Paris fut alors le porte-voix pour le genre humain et par la signification des actes qui s’y produisirent. Puis, après cette grande époque, de laquelle date le monde moderne, que d’autres moments, dans le dix-neuvième siècle, furent