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l’homme et la terre. — internationales

voulu s’éloigner de Paris comme d’une cité pestiférée et siéger dans quelque ville aux rues paisibles, Bourges, par exemple, qui fut déjà, au temps jadis, la résidence des rois vaincus. Quant à Paris, la ville maudite, on décida de la mettre aux pieds d’une idole catholique, en punition de ses péchés, et, sur la butte Montmartre, consolidée, étayée à grand frais, s’érigea lentement la laide basilique du Sacré-Cœur.

Mais en face de cette assemblée rurale, dont le premier acte fut un prosternement et qui était absolument décidée à se placer sous la domination d’un roi, héritier des Louis XIV et des Louis XVI, plusieurs villes, et Paris la première, se constituaient en « communes ». Qu’entendait la foule républicaine par ce mot aux multiples origines historiques provenant de France et d’Italie, du moyen âges de la Renaissance et de la Révolution ? En premier lieu, elle y voyait une organisation de lutte à outrance contre la monarchie que voulaient reconstituer les Ruraux et contre le pouvoir temporel, exercé si volontiers par les prêtres et moines. Mais elle y voyait aussi, ce qu’elle avait vu, près, d’un siècle auparavant, dans la République elle-même, l’aube d’une société nouvelle dans laquelle il y aurait plus de justice et plus de liberté, dans laquelle chacun serait assuré de manger son pain et dans laquelle l’homme, désormais débarrassé du souci de la faim, pourrait s’occuper d’ambitions plus hautes, comprendre les joies de la vie intellectuelle et morale.

Les circonstances qui déterminèrent le mouvement de la Commune étaient, après tout, un fait assez banal, la molle défense du gouvernement et l’abandon d’un parc d’artillerie dont les Prussiens, entrant dans Paris, eussent pu s’emparer ; mais ce furent là de simples détails. La France était désunie ; il fallait que les deux éléments opposés se groupassent franchement l’un contre l’autre dans toute la sincérité de leurs aspirations, dans toute la droiture de leurs volontés. C’est là ce que firent les communalistes de Paris, plus connus, comme tous les vaincus, par un nom d’insulte, celui de « communards ». C’est que les conditions de péril suprême dans lesquelles se trouvait alors la ville de Paris étaient de nature à hausser les cœurs. Triplement entourée par les troupes allemandes, qu’eût réjouies le pillage, par les troupes françaises, qui brûlaient de se venger des victoires germaniques sur leurs compatriotes, et par la masse de la nation française, qui se serait volontiers ruée sur Paris, foyer d’incessantes révolutions, la grande cité ne pouvait espérer de vaincre, malgré l’immensité de ses ressources. Pas un homme ayant