Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome V, Librairie universelle, 1905.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
l’homme et la terre. — nègres et moujiks

sans qu’aucune atteinte ait été portée par eux à la légalité apparente, sans que leur prise d’armes pût donner à leurs actes le moindre caractère d’insurrection.

Les événements se pressèrent. Le point de virement définitif s’accomplit dans les premiers jours de juillet 1863, immédiatement avant la fête nationale. C’est alors que Vicksburg, le verrou qui fermait aux Fédéraux la route naturelle du Mississippi, tomba entre leurs mains et que la dernière tentative des Confédérés, s’avançant en masse avec le gros de leur armée, vint échouer contre le triangle puissamment fortifié des collines de Gettysburg, en Pennsylvanie. La force de la révolte était définitivement brisée. Hommes, ressources matérielles, confiance commençaient à manquer, et tout ce qui restait disponible était dirigé vers les fortifications multiples qui formaient un labyrinthe d’embûches au-devant de Richmond. L’immense territoire compris entre l’Atlantique, le golfe du Mexique et le Mississippi n’avait plus d’éléments de résistance : on eût pu le comparer à une coquille d’œuf presque vide. Aussi les troupes fédérales faisaient-elles effort pour traverser cette région dans son plus grand diamètre. Après des victoires décisives remportées dans la partie centrale du domaine de l’insurrection, c’est-à-dire devant la courbe supérieure du grand fleuve Tennessee — là où se terminent les chaînes méridionales des Alleghanies et où commencent les vastes plaines en culture de la Géorgie —, le général Sherman disposa ses troupes en colonnes parallèles, non pour écraser l’ennemi qui ne pouvait opposer des armées sérieuses de combat, mais pour ravager les campagnes, couper toutes les lignes de communication, routes, ponts et chemins de fer, brûler villes, villages et plantations, rendre absolument impossible toute continuation de la guerre en faisant un vide absolu entre les États mississippiens et les États atlantiques. Jamais, peut-être même du temps des Mongols, destruction plus méthodique n’avait été accomplie. L’incendie se propagea sur un espace de plus de 100 kilomètres de largeur, de plus de 500 kilomètres en longueur.

Du moins cette effroyable marche atteignit son but stratégique. Arrivé au bord de la mer, près de Savannah, le général Sherman rejoint la flotte de l’Atlantique, et le cercle se rétrécit autour des confédérés de manière à les étouffer. C’était au commencement de l’année 1865. Maintenant les Fédéraux avancent à la fois du nord, du sud, de l’est et de l’ouest sur les positions du général Lee, autour de Richmond et de Peters-