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la religion et la science justifiant l’esclavage

ou l’autre théorie. Que les nègres fussent des hommes maudits, écrasés sous le poids d’un crime originel, irrémissible, ou bien qu’ils fussent une espèce inférieure à l’homo sapiens, peu importait, puisque de toutes manières on pouvait les déclarer destinés à une éternelle servitude.

Cl. P. Sellier.

vente d’une négresse et de ses enfants
(Estampe de 1844).

Appuyés sur des forces qui, partout ailleurs, sont ennemies, l’Eglise et la Science, les esclavagistes avaient aussi l’audace de faire accepter la condition naturelle d’esclavage par les nègres eux-mêmes. Certes il ne manquait pas de ces malheureux ayant appris la ritournelle de l’abjuration et se vantant de leur propre bassesse : dans tous les bazars de vente, on voyait des nègres riant bestialement à toutes les plaisanteries des acheteurs blancs et se laissant palper sans en souffrir. Ils montaient sur l’estrade, faisaient des gambades, prenaient des attitudes, détaillaient même la qualité de leurs muscles, de leur force, de leur adresse, et surtout de leur docilité ; méprisés par tous, ils mettaient leur gloriole à entretenir le mépris. Ainsi l’éducation morale du noir accompagnait l’éducation physique entreprise méthodiquement dans les États du centre, au contact de l’industrie du bétail. La valeur de l’esclave noir comme bête de labeur avait été plus scientifiquement comprise aux États-