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l’homme et la terre. — nationalités

qu’une marche triomphale et se termina par une bataille décisive (1859), sur les bords du Vulturne. Le roi de Naples n’avait plus qu’à s’enfermer dans la place forte de Gaète avec quelques fidèles, et Garibaldi se préparait à marcher sur Rome, qui n’eût pas mieux résisté que Palerme ou que Naples. L’Italie était bien près de se « faire seulement », non point da se, c’est-à-dire entièrement par ses propres efforts, comme elle l’aurait voulu, mais en dépit des réticences, de son quinteux allié. Il ne resta plus à celui-ci que d’entourer précipitamment le pape d’une garnison française, chargée d’occuper indéfiniment la ville de Rome, contre le peuple italien qui se l’était donnée pour capitale. C’était s’enfermer lui-même dans une impasse, car la force constante des choses agissait en sens inverse de sa volonté d’un jour, soumise aux vicissitudes du temps. Aussi lorsqu’un de ses ministres, répondant à un interpellateur qui lui demandait quand l’armée française évacuerait Rome prononça le mot « jamais ! » ce fut une risée dans le monde. L’humiliant démenti ne devait pas se faire attendre pendant de longues années. Il suffit pour cela que l’Italie prit dans sa lutte pour l’unité un autre point d’appui que la France : désormais elle s’appuya sur la Prusse qui, elle aussi, avait à constituer, sinon son indépendance nationale, du moins son autorité sur l’Allemagne unifiée, et qui, dans ce conflit, avait les mêmes adversaires que l’Italie.

À cette époque de si grande importance critique pour l’Europe, le monde entier se trouvait également agité. La Chine et le Japon, l’Inde et l’Indo-Chine, les Etats-Unis, le Mexique étaient pareillement secoués par de puissantes révolutions.

Quoique les nations à civilisation européenne considèrent presque toutes comme le plus précieux de leurs privilèges de pouvoir fermer, quand elles le jugent convenable, les portes de leur contrée aux marchandises et aux individus, elles n’en tenaient pas moins la Chine et le Japon pour des nations barbares parce qu’elles n’accueillaient pas les étrangers, toutes frontières ouvertes. Grâce à la vapeur qui rapproche les continents, les tentatives de domination morale, puis de domination matérielle faites au seizième et au dix-septième siècles par les missionnaires jésuites et autres allaient recommencer, et cette fois avec des représentants de tout le monde européen : pasteurs protestants de sectes diverses aussi bien que moines catholiques, marchands et spécula-