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l’homme et la terre. — nationalités

daient une demande officielle ; ils ne vinrent que trop tard et en trop petit nombre : Windischgrætz attaque Vienne le 28 octobre, la bombarde le 29, temporise le 30, repousse l’armée hongroise le 31 et pénètre en vainqueur dans la capitale autrichienne le 1er novembre. Bientôt ce fut le tour de Pest : le gouvernement hongrois dut l’évacuer et concentrer toutes les forces militaires à l’est de la Tisza. Mais le général polonais Bem, qui après avoir commandé Vienne insurgée avait réussi à s’échapper, accomplissait en Transylvanie des prodiges de stratégie victorieuse, et, bientôt après, Gœrgei, devenu général en chef de l’armée magyare, puissamment réorganisée par Kossuth, remportait successivement des victoires qui enflammaient d’espoir tous les républicains d’Europe : les Autrichiens étaient forcés d’évacuer Pest et de se replier en désordre jusqu’à la frontière. C’est alors que l’empereur d’Autriche dut appeler à son secours son grand allié Nicolas, tsar de toutes les Russies : cent cinquante mille hommes pénètrent dans la contrée par les frontières de l’ouest et du nord, en même temps que du sud s’avancent les Serbes et que de l’ouest les Allemands reprennent l’offensive. La petite armée hongroise, entourée de toutes parts, combattit en désespérée jusqu’au moment où Gœrgei, nommé dictateur, capitula au nom de la nation tout entière dans la plaine de Vilàgos, non loin d’Arad (13 août 1849). Bientôt après toute résistance avait cessé, sauf dans la forteresse de Komarom (Komorn), que Klapka défendit longtemps encore.

Les Hongrois s’étaient rendus, non au suzerain dit légitime, l’empereur d’Autriche, mais à l’armée russe. Le maréchal Paskievitch put écrire à son maître : « Sire, la Hongrie gît aux pieds de Votre Majesté ! » Mais les Autrichiens se chargèrent de la vengeance : les conseils de guerre, siégeant en toute la Hongrie, germanisaient la population par les verges, le cachot, la fusillade, le gibet. Gœrgei, le général vaincu, peut-être coupable de trahison, du moins type du militaire toujours insurgé contre le pouvoir civil, eut la suprême humiliation de se voir assigner une résidence de luxe et de toucher une pension, tandis que ses camarades de guerre étaient condamnés aux balles ou à la corde. Le général autrichien le plus féroce, Haynau le « fouetteur », fut autrement puni. Visitant peu de temps après une usine de Londres, il fut reconnu par des ouvriers et poursuivi à coups de lanières comme une bête mauvaise.

En Italie, la guerre du Risorgimento se déroula suivant les mêmes