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progrès en mobilité

s’était connu lui-même, et pressentant de plus en plus clairement l’avenir, même quand il se trompait sur les détails. Cette époque des Thierry et des Michelet, des Gervinus, des Buckle, des Ferrari fut une très grande époque parce qu’en racontant les hautes actions, elle en préparait de nouvelles. L’humanité se commence incessamment, mais suivant un mode normal et continu : ce qu’elle fit hier nous apprend ce qu’elle fera demain.
Charles Darwin, 1809-1882

Matériellement, le grand progrès du temps fut de donner à l’homme du dix-neuvième siècle une beaucoup plus grande mobilité, de l’augmenter même en des proportions indéfinies. L’application de la vapeur au transport des voyageurs et de leurs richesses avait été souvent prédite, même peut-on dire depuis les siècles de la Grèce. En plein moyen âge, Roger Bacon ne nous avait-il pas promis « des machines telles que les plus grands vaisseaux », dirigées par un seul homme, parcourant les fleuves et les mers avec plus de rapidité que si elles étaient remplies par des rameurs, telles que des chars sans attelage, se mouvant avec une incommensurable vitesse » ? En effet, puisqu’on connaissait l’action de la vapeur sur le couvercle des marmites et que l’on connaissait aussi la facilité du mouvement des roues sur des ornières en bois ou en métal, il eût été simple d’associer ces deux faits bien connus et d’en tirer, comme l’a fait sans doute Roger Bacon, toute la théorie des chemins de fer. Du moins, les industriels contemporains ou même prédécesseurs des encyclopédistes avaient-ils déjà construit des bateaux à