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l’homme et la terre. — contre-révolution

dans les remparts d’Alger, et l’armée mit trois années de guerres, de massacres, de dépenses forcenées à reconquérir un territoire qu’il eût été si facile de ne pas perdre[1]. Ce furent les « Vêpres algériennes ». Et pourtant, le colon méprisé a fini par avoir raison de son ennemi naturel, le conquérant, et l’Algérie s’est annexée au monde européen. Ce fut là un grand pas dans l’ensemble de l’évolution qui rattache peu à peu l’humanité au type de civilisation représenté par les peuples ayant reçu l’éducation gréco-romaine.

À l’époque de la conquête de l’Algérie, l’Orient méditerranéen était aussi troublé par le bruit des armes. Un « pasteur des peuples » s’était révélé en la personne de Mehemet-Ali, qui, officier sans fortune, était parvenu à la dignité de pacha d’Égypte (1804). Ses forces, commandées par son fils Ibrahim avaient combattu en Morée et à Navarin, mais Mehemet ne tarda pas à se brouiller avec son suzerain et engagea une lutte dont le couronnement fut la défaite des Turcs à Nézib (24 juin 1839). L’Europe intervint : la Russie, l’Autriche, l’Angleterre… ; c’est à qui protégerait mieux la Turquie pour acquérir des « droits » sur elle ; Mehemet Ali dut abandonner la Syrie et se borner à la possession héréditaire de l’Égypte.

Après les effroyables guerres de l’Empire, pendant cette partie du dix neuvième siècle qui vit les populations de l’Europe reprendre haleine, des progrès décisifs s’accomplirent dans la marche de l’esprit humain, correspondant à l’extension croissante de son domaine matériel. Les grands voyages recommencèrent, entrepris par des hommes de science et d’initiative embrassant, comme Humboldt toutes les études qui se rapportent au « Cosmos ». Spix et Martius publièrent sur le fleuve des Amazones leur admirable récit de voyage (1817-1820), qui ne fut jamais dépassé en précision et en profondeur ; Fitzroy, accompagné de Charles Darwin, dirigea ces belles explorations (1826-1880) de l’Adventure et du Beagle, point de départ de si précieuses recherches sur la formation des îles coralligènes, sur les mouvements de l’écorce terrestre, sur la genèse et la distribution des animaux.

À la même époque, l’attention des navigateurs se reportait sur les navigations polaires, non pas seulement comme celles de Chancellor, de

  1. Rouire, mémoire cité, pp. 365, 366, 367.