Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome V, Librairie universelle, 1905.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
l’homme et la terre. — contre-révolution

les Cristinos, qui portaient le nom de la régente, se heurtèrent en bataille, non seulement autour de la capitale mais bien plus encore dans les provinces, et notamment dans la Navarre et le pays Basque dont les habitants, par haine de la centralisation administrative et par une juste passion pour leurs libertés locales, se trouvaient, étrangement mariés avec le parti de la réaction. La nature montueuse, fragmentée du pays facilita l’âpre persévérance des combattants, et pendant sept années, de 1833 à 1840, se prolongea la lutte, l’une des plus cruelles que raconte la cruelle histoire. Enfin les Cristinos triomphèrent, et l’Espagne put jouir d’un certain répit dans ses annales sanglantes.

Par suite d’un mouvement parallèle dont les péripéties se déroulaient tragiquement dans l’état limitrophe, deux souverains se disputaient aussi le trône du Portugal, le féroce Don Miguel et la jeune Maria de Gloria. Là également, ce fut la cause de la jeune reine, d’ailleurs à peine moins despote que son rival, qui finit par l’emporter.

En Angleterre, des événements d’une plus grande portée s’étaient accomplis, d’ailleurs sans entraîner d’effusion de sang. À cette époque, le pays dont la constitution servait de modèle à toutes les monarchies parlementaires qui se formaient en Europe, se trouvait lui-même entravé dans son fonctionnement normal par des pratiques électorales tout à fait injustes. Par suite de l’extrême lenteur avec laquelle l’Angleterre, régie par des hommes de loi et les aristocrates âprement conservateurs, procède à la modification de son ancien équilibre politique, la représentation parlementaire rappelait encore l’époque où les comtés du sud étaient proportionnellement beaucoup plus peuplés et plus riches que les comtés du nord. Lorsque les bases de la délégation électorale furent établies, le Devonshire était un grand comté maritime, le Somerset et le Wilts étaient des centres industriels, tandis que le Lancashire, sous un climat plus rude, avait une population moins dense et plus grossière[1] : de là cette énorme prépondérance que l’on accordait avant 1832 en matière de représentation à la partie de l’Angleterre située au sud de la rivière Trent ; actuellement encore, malgré diverses atténuations de cette injustice, amenées par le temps, les régions méridionales du royaume sont toujours très favorisées. Un contraste de plus en plus grand

  1. W. Bagshot, The English Constitution.