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l’homme et la terre. — les communes

Londres, ceux dont on appréciait le plus le crédit et le bon or « sterling » étaient les Œsterlinger ou les « Easterlings » des comptoirs hanséatiques.

Les villes de la Hanse, liguées pour la défense de leurs intérêts commerciaux, se considéraient volontiers comme autant de républiques indépendantes de l’autorité impériale et royale, soumises uniquement à la juridiction des magistrats élus par elles : les enceintes, les fortifications régulières dont elles s’étaient entourées comme les autres villes les défendaient contre le suzerain ; désirant la paix pour le développement de leur commerce, elles imposaient un repos relatif aux seigneurs féodaux et à leurs lansquenets. Elles intervenaient aussi dans la politique des royaumes scandinaves, et, de 1361, date de la destruction de Wisby par un roi danois, jusqu’au milieu du seizième siècle régentèrent en quelque sorte l’Europe du nord. Mais les jalousies empêchèrent la ligue de se développer en proportion de l’accroissement des échanges européens. Manquant du sol nécessaire qui aurait pu lui servir de point d’appui[1], elle voulut néanmoins garder le monopole, se le réserver à jamais par des mesures prohibitives, et même limiter au profit des villes les plus puissantes le nombre et l’importance des marchés. Le commerce est essentiellement mobile et toutes les tentatives faites pour le fixer devaient effaroucher les intermédiaires et leur faire chercher des voies nouvelles. Le trafic se déplaça en grande partie, et la Hanse, frappée à mort, dépérit graduellement, absorbée par ses voisines politiques.

Ainsi que les représentants de l’Eglise, prêtres et moines, l’avaient pressenti quand ils lançaient leurs malédictions passionnées contre l’ « exécrable » commune, les bourgeois et les artisans des villes qui se liguaient pour la production industrielle et pour la vente de leurs marchandises se dégageaient forcément de l’influence ecclésiastique et même finissaient par lui devenir hostiles. Le sol des communes n’appartenait plus que pour une faible part aux chapitres ou aux couvents ; même en quelques cités, il avait été racheté complètement ; les prêtres ne jouissaient plus d’aucun privilège spécial et, lorsqu’ils se rendaient coupables de quelque délit, ils devaient se présenter comme tout autre citoyen devant les tribunaux civils ; les moines de Bruges n’avaient pas le droit, comme dans les autres villes des Flandres ou d’Allemagne, de

  1. Friedrich Ratzel, Das Meer als Quelle der Vœlkergrœsse, p. 46.