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l’homme et la terre. — les communes

l’ait raconté. Mais au sud de la Loire, sur la grande voie historique de la France occidentale, Poitiers essaya de s’affranchir : c’était en 1137, première année du règne de Louis VII. Celui-ci comprit aussitôt le danger, et son premier souci fut de partir en guerre pour dissoudre la commune naissante. C’est que tout le Poitou eût été perdu pour lui, la métropole de la contrée ayant formé une confédération de paix et d’amitié avec toutes les autres villes et bourgades de la province. La ligue poitevine s’était constituée sur le modèle des fédérations lombardes : mais elle n’avait ni les ressources ni la vaillance des adversaires de Barberousse.

C’est dans les Flandres que les Communes du Nord eurent la période la plus glorieuse. Ce nom de Flandre éveille actuellement dans l’esprit l’idée d’un pays tout germanique : on appelle ainsi la partie de la Belgique où se parle l’ancien thiois, mais, à l’époque des révolutions communales, ce nom n’avait point de sens ethnographique spécial, la valeur en était purement politique et s’appliquait à toutes les contrées placées sous la suzeraineté des comtes de Flandre, aussi bien aux habitants d’Arras qu’à ceux de Bruges et de Gand. D’ailleurs, ne dit-on pas encore Lille en Flandre[1], quoique cette ville se trouve depuis temps immémorial en dehors des limites de l’idiome germanique désigné spécialement comme le parler flamand ? Les révolutions des Flandres antérieures au régime bourguignon n’ont eu nullement de caractère national comme des patriotes contemporains aimeraient à se le figurer : elles ont été purement communalistes et sociales, c’est-à-dire au fond beaucoup plus sérieuses qu’on ne voudrait les représenter. Mais il est également certain que, par une conséquence nécessaire, la résistance opiniâtre des cités flamandes a contribué à délimiter le pays du côté du Sud et à déterminer ainsi la préparation d’un futur État de Belgique.

Dans les Flandres, l’importance de Bruges, à la fois industrielle et commerçante, devint tout à fait exceptionnelle : c’est que plusieurs voies historiques majeures se réunissaient en son voisinage. Les fleuves navigables dans leur cours inférieur. Rhin, Meuse, Escaut étaient de par la nature les chemins principaux des échanges, mais la navigation n’en restait pas toujours libre, soit à cause des inondations, des changements de lits, des tempêtes, soit à la suite de difficultés fiscales, militaires ou politiques : aussi le commerce prisait-il fort cette ville reliée à la haute

  1. H. Pirenne, Histoire de la Belgique, p. 89.