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l’homme et la terre. — les communes

d’Arnaldo de Brescia : elles donnaient trop d’importance à leur organisation urbaine municipale, se complaisaient orgueilleusement dans le formalisme traditionnel de leurs cérémonies et n’étaient pas animées de l’esprit nouveau que les intérêts communs de l’industrie et du commerce donnaient aux villes de l’Italie lombarde et à celles du nord de l’Europe. La vie moderne ne put se produire avec assez d’élan dans ce milieu encombré des ruines de la civilisation romaine. D’ailleurs, si la féodalité affectait dans le midi des Gaules un caractère moins brutal que dans le reste du pays, c’était toujours le pouvoir de quelques-uns ayant des intérêts personnels absolument contraires à ceux de leurs sujets et disposant de grandes ressources en argent s’ajoutant à leur prestige.

Un autre fait, d’ordre géographique, contribua également à diminuer la force de résistance des populations du Midi. Elles ne présentaient pas un ensemble bien disposé pour la défense ; au contraire leur domaine était des deux côtés, de l’est et de l’ouest, complètement ouvert aux attaques du dehors, et, vers son milieu, il se trouvait tellement rétréci que les communications devenaient difficiles entre les défenseurs mêmes du pays. Du côté de la Provence et du Nîmois, la vallée du Rhône, et, du côté de la Guyenne, la vallée de la Garonne formaient de véritables entonnoirs dans lesquels pouvaient s’engouffrer les envahisseurs, tandis qu’à moitié distance de ces deux larges portes, le seuil qui réunit les campagnes de la basse Aude à celles de l’Hers, dans le bassin garonnais, se réduisait à un véritable défilé : Toulousains et Albigeois, séparés eux-mêmes par des chaînes secondaires, ne pouvaient aller secourir les Biterrois, ni, à l’occasion, être secourus par eux. Le relief même du sol, longtemps protecteur des Méridionaux lorsque l’attaque était désordonnée, proclamait, pour ainsi dire, la future victoire de la France du nord. Le grand massif des hautes terres, qui s’avance en pointe vers le sud, ne laissant aux gens du Languedoc qu’un étroit chemin de ronde entre les Cévennes et les avant-monts pyrénéens, montre rétrospectivement quelle devait être l’issue de la guerre dite des « Albigeois ».

Aux premières menaces de l’orage que la colère du pape et des moines contre les hérétiques allait amasser sur le midi de la France, le peuple naïf commença par mettre sa confiance dans le prince suzerain, s’imaginant que celui-ci représentait en sa personne tous les intérêts, tous les vœux de ceux qui lui rendaient hommage ; mais, ici comme en tant d’autres lieux, le premier traître à la cause des populations du Midi fut