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l’homme et la terre. — le dix-huitième siècle

(1497−1558) mesurait par des moyens très primitifs la distance de Paris à Amiens ; au siècle suivant, Norwood faisait (1633−1636), avec beaucoup plus de soin, une opération analogue entre Londres et York, et le Hollandais Willebroed Snell, dit Cnellius, se livrait (1617) à un procédé irréprochable de triangulation pour déterminer les latitudes exactes de Bergen-op-Zoom et d’Alkmaar.

Puis on voyageait en dehors de l’Europe pour obtenir des mesures de plus grandes dimensions. En 1672, Richer se rendait à Cayenne dont il fixait la position vraie relativement à Paris avec une précision surprenante, et, dans ce même voyage, il constatait, par les observations du pendule, que la Terre est renflée à l’équateur : c’est la première donnée qu’ait possédée la science sur les inégalités du sphéroïde planétaire. D’autres observations faites à Gorée confirmèrent la découverte de Richer. Bientôt après, on s’occupait non plus de mesurer simplement une distance sur la surface terrestre, mais de tracer tout un réseau de lignes entre des points fixés par des travaux astronomiques. C’est ainsi que, sous la direction de Picard, on fit (1666) un levé d’arc entre Malvoisine près Melun et Amiens, et que, par extension graduelle des triangles dans deux directions perpendiculaires, Jean Cassini, le premier de la dynastie scientifique, La Hire, Jacques Cassini, s’aidant des améliorations que Huyghens apportaient aux appareils de vision, surent reconnaître la distance de Dunkerque au Canigou et la position respective des grandes villes du royaume.

François Cassini put bientôt dessiner la carte de France, non d’après estime et impression personnelle, mais d’après les indications même que fournissaient le mouvement des astres et les calculs de triangulation. En 1747, Louis XV ordonna la publication de la carte à grande échelle, et la première feuille en parut une dizaine d’années plus tard, mais c’est à l’initiative privée que revient la gloire de ce beau travail : l’argent du gouvernement manquant à cause de la guerre de Sept ans, Cassini fonda une association qui subvint aux frais durant près de quarante années et avait à peu près terminé cette œuvre lorsque la Convention la reprit. La dernière feuille parut en 1815.

Après avoir jeté les bases de la carte initiale de France, on put travailler à la carte du monde, grâce aux voyages de Feuillée (1700 à 1724) aux échelles du Levant, aux Antilles, à Panama, dans l’Amérique du Sud, aux Canaries, voyages qui avaient également pour but la