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taillable et corvéable à merci

par un pareil régime pesant sur tout le travail de la nation, il leur restait les « renfermeries » et les galères, auxquelles on condamnait de droit tous les vagabonds, « encore qu’ils ne fussent prévenus
Cabinet des Estampes.
turgot
né et mort à Paris, 1727-1781.
d’aucun crime ou délit ».

Lors du changement de règne, 1774, quand le timide et doux Louis XVI eut succédé à son grand-père, tombé dans l’égoïsme répugnant de la basse crapule, les éternels naïfs qui regardent toujours vers le pouvoir, dans l’espérance que le bon tyran réalisera l’idéal de justice qu’ils sont incapables de réaliser eux-mêmes, ne manquèrent pas de reprendre confiance et clamèrent vers le jeune roi pour qu’il fit le bonheur du peuple. Les réformateurs se présentaient de toutes parts et chacun s’imaginait avoir la panacée. Du moins l’opinion exigeait-elle que la royauté se prêtât à une tentative loyale, et, en effet, après de longues hésitations et des tâtonnements malhabiles, Louis XVI désigna ou plutôt laissa désigner Turgot, que la renommée disait être à la fois le plus intelligent et le plus probe, et qui, dans son intendance du Limousin, avait témoigné d’une bonté réelle et d’une sollicitude active pour le peuple. Turgot essaya par un labeur de tous les instants la grande réforme nationale que l’on attendait de lui. Appartenant, quoique d’une manière indépendante, à l’école des « physiocrates », c’est-à-dire de ceux qui voulaient, avec le médecin Quesnay, « gouverner par la nature », Turgot comprenait que, de toutes les réformes, la plus urgente était de libérer la terre, mais il voulait aussi libérer l’industrie, le travail sous