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l’homme et la terre. — le roi soleil

officiellement constatées, confucianisme, bouddhisme, taoïsme, et les prêtres jésuites devinrent de très hauts personnages : Adam Schaal fut même nommé docteur de Kanghi, mais ce poste « trop » enviable lui coûta cher, puisque les régents le jetèrent en prison et le condamnèrent à être « coupé en mille morceaux », peine qui fut commuée en détention perpétuelle[1].

La grande période d’honneur pour les missions des jésuites date du règne de Kanghi qui prit le gouvernement personnel en 1667, homme intelligent et désireux de laisser un grand souvenir dans l’histoire. Kanghi reconnut aussitôt la valeur scientifique des missionnaires dont l’ordre des jésuites l’avait entouré et qui avaient été choisis avec soin parmi les pères les plus instruits, astronomes, mathématiciens, géographes. Après avoir établi une sorte de concours entre les savants indigènes et les missionnaires étrangers, Kanghi désigna le père Verbiest pour rédiger un nouveau calendrier, et l’astronome flamand, plus intransigeant en science qu’il ne l’était pour le dogme religieux, maintint avec rigueur les corrections qu’il dictait à ses collègues chinois. Le rôle scientifique des pères jésuites prit même une telle importance que Kanghi les chargea d’explorer l’empire, d’en dresser la carte détaillée et leur abandonna tout un personnel de mandarins pour cette œuvre capitale. C’est en 1708 que les missionnaires Bouvet, Régis et Sartoux commencèrent la construction de ce précieux document, antérieur même aux travaux du même genre entrepris dans l’Europe occidentale. Jusqu’à l’époque moderne, inaugurée sur le littoral par les ingénieurs hydrographes des diverses nationalités, et dans l’intérieur de la Fleur du Milieu par les Fritsche, les Richthofen, les Chevalier et autres géodésies et géographes, cette carte des jésuites servit de point d’appui pour l’étude de l’Asie orientale.

Cependant, le même Kanghi, qui devait ample reconnaissance à ces missionnaires de l’ordre, au nom du progrès scientifique, se crut obligé de sévir contre la religion de l’Occident. Les dominicains et les franciscains constituaient le gros de l’armée des convertisseurs marchant à l’invasion de l’Orient, mais ils n’avaient point les talents diplomatiques des disciples de Loyola : êtres simples, peu développés intellectuellement, n’ayant d’autre passion que celle de conquérir les âmes à la sainte Église et se laissant aller volontiers au fanatisme du martyre, ils prêchaient

  1. J. Macgowan, A History of China, p. 528.