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l’homme et la terre. — le roi soleil

kouan, et le jeune roi des Mandchoux, enfant de six ans, fut proclamé empereur de Chine : la dynastie des Tsing était fondée. Cependant dix-huit années se passèrent avant que les derniers défenseurs du loyalisme chinois fussent définitivement vaincus : il fallut les poursuivre jusqu’en pleine Barmanie et dans les îles de la mer, aux Pescadores et Formose. Le plus fameux empereur de la Chine moderne, Kanghi, était sur le trône lorsque la domination des Mandchoux, qui s’était ingénieusement assouplie aux exigences de l’étiquette chinoise, reçut enfin l’adhésion universelle des sujets.

Ce fut la grande époque historique de la pénétration du christianisme dans l’empire chinois. Il n’y avait point eu de continuité entre les âges du christianisme nestorien et ceux de la propagation du catholicisme européen. Les nestoriens avaient été exterminés pour la plupart, et certainement la longue durée du temps pendant lequel ils restèrent éloignés de leur milieu d’origine, parmi des populations de race et de mœurs très différentes, ne leur avait laissé pour héritage religieux que des formules et des gestes dont ils ne comprenaient plus le symbolisme : on peut donc dire que le culte de Rome ne fit son apparition dans l’Extrême Orient qu’à la fin du treizième siècle, avec l’italien Montcorvino ; il groupa de nombreux pratiquants autour de lui, grâce à la tolérance naturelle des Chinois pour toutes les cérémonies qui n’excluent pas les rites traditionnels de la vénération des ancêtres. Le christianisme était toléré à la condition de se déguiser, et, lorsque les commerçants européens, Portugais et autres, purent s’établir en hôtes dans les villes du littoral chinois, ils furent les premiers à décourager les efforts des missionnaires chrétiens, craignant à juste raison que la propagande de ces prêtres ne compromît leurs intérêts. Macao, le comptoir qui avait été concédé aux Portugais pour leur trafic, ne devint point, comme Rome l’espérait, le parvis de la grande Église d’Orient.

Cependant un jésuite italien, Ruggiero, vêtu en Chinois, réussissait, en 1581, à pénétrer dans Canton et, l’année suivante, il était suivi par le fameux Ricci, qui finit par devenir un grand mandarin et par jouer un rôle politique important. Il arrivait dans l’Empire à une époque des plus critiques pour les destinées de la nation, puisque les Mandchoux commençaient alors les invasions qui devaient avoir pour conséquence le renversement de la dynastie chinoise des Ming. Les simples prêtres étrangers surent se mouvoir aisément dans ce monde de ruses et d’in-