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l’homme et la terre. — le roi soleil

lorsque la pression asiatique commença de diminuer et que le bassin de la Volga, cessant d’être entièrement sous la domination mongole, put être considéré comme la continuation du domaine géographique de la Slavie. Alors Moscou devint véritablement un centre ethnographique de toutes les populations de l’immense campagne, non seulement slaves mais aussi finnoises, tartares, ouraliennes, lituaniennes même. Il est vrai que la ville n’a pas eu le privilège de naître au bord d’un grand fleuve ; toutefois la rivière Moskva, qui serpente dans une région doucement ondulée, porte déjà bateaux et communique avec la « mère Volga » par l’Oka, affluent peu inférieur au courant principal. En outre Moscou se trouve très rapprochée du versant méridional des plaines russes dans la direction de la mer Noire, et c’est à une faible distance à l’Ouest et au Sud que s’épanchent les premières eaux du Dniepr et du Don. A des centaines de kilomètres autour de ce point central, admirablement placé comme lieu de rendez-vous, s’étendent uniformément les plaines faciles à parcourir : là se rencontraient les marchands venus de la Pologne, de Constantinople et de l’Asie. Un des quartiers de Moscou avait pris très justement le nom de Kitaï-gorod ou cité chinoise. Aussi, malgré Pierre le Grand et la résidence qu’il fît surgir des marécages de l’Ingrie, Moscou est bien restée une capitale naturelle de l’empire russe, et, dans les grandes circonstances nationales, c’est bien vers elle que l’on revient. Si cette ville n’est pas encore tout à fait sainte comme l’aïeule Kiyev, elle l’est au moins comme mère, c’est la « Moskva Matouchka ». D’ailleurs, la Russie n’a plus de nos jours à regarder avec tant d’obstination vers l’Europe occidentale : de ce côté, l’équilibre semble être beaucoup plus stable que du côté de l’Asie, où tant d’annexions se sont récemment succédé.

À la mort de Pierre le Grand, « empereur de toutes les Russies » (1725), la puissance des tsars pénétrait déjà en Asie : le Caucase se trouvait tourné du côté de l’Orient par la Caspienne, et même la Perse avait été plus profondément entamée qu’elle ne l’est aujourd’hui : le littoral caspien fit partie de l’empire russe pendant une dizaine d’années (1727-1784) ; mais, à cette distance du centre politique, le bras de la Russie n’était pas encore assez puissant pour maintenir l’annexion d’un territoire qui se trouvait, pour ainsi dire, « en l’air », et Nadirchah, autre conquérant de la trempe de Pierre, reconstitua pour un temps l’empire d’Iranie. De l’autre côté des monts Oural, les Cosaques,