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l’homme et la terre. — le roi soleil

gage, les bourgeois affairés s’occupant de leur commerce et de leur profession, tous les corvéables et payeurs d’impôts étaient tenus a distance. Le luxe s’étalait à Versailles, mais c’est à Paris que se faisait le travail, répugnant pour les beaux yeux, c’est à Paris que l’on continuait de penser et d’agir, choses indélicates qui n’eussent point été permises auprès du maître. Ainsi s’établissait nettement le contraste de la « cour » et de la « ville », sièges de deux royautés, l’une orgueilleuse, envahissante, suivie de renommées qui claironnaient sa gloire ; l’autre s’ignorant presque elle-même et se faisant petite, mais ayant pourtant en elle les promesses de l’avenir. Malgré toutes les apparences, c’est là que se trouvait la force, et c’est à elle que s’adressaient les écrivains, tout en envoyant humblement leurs dédicaces au Roi.

Toute opposition formelle avait disparu : aucun murmure ne se faisait entendre. Les magistrats des parlements, si bruyants lorsqu’ils espéraient triompher de Mazarin, étaient devenus silencieux et se bornaient à enregistrer les édits qu’on leur donnait à lire et à copier. Les franchises des provinces et des corporations qui ne s’accordaient pas avec les règles de la centralisation générale étaient supprimées. Il n’était plus question des libertés municipales depuis plusieurs règnes, mais du moins en restait-il ça et là quelques symboles, et ces symboles même étaient désormais abolis. C’est ainsi qu’en se présentant devant le roi, l’échevin de Marseille, Glandavès, paya cher son respect des anciennes coutumes. Conformément au droit traditionnel des magistrats de l’antique cité, il avait gardé la tête couverte en face du souverain ; mais la tradition fut brusquement coupée par un cérémonial nouveau et plus puissant, puisque le fier échevin faillit être décapité : il ne fut sauvé que par le dévouement de ses collègues, qui, solidaires de son orgueil, le firent échapper, puis subirent un long emprisonnement.

Catholique sévère, car la religion avec sa belle hiérarchie, ses rites et ses fêtes appartenait à la magnificence de l’Etat, Louis XIV ne souffrait non plus aucune opposition de la part des prélats. L’Eglise dite « gallicane », parce qu’elle tenait compte des intérêts royaux des Gaules contre la domination des papes, se constitua victorieusement sous Louis XIV, et tous les corps de l’Etat durent l’aider à triompher. A diverses reprises, l’ingérence du pape fut fermement écartée, et finalement, en 1682, un concile, où siégeaient trente-cinq évêques, accueillit par son vote respectueux les « quatre propositions » formulées