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l’homme et la terre. — le roi soleil

leur champ de bataille. Quel avait été l’amoindrissement de la fortune publique ? De combien de millions d’hommes la population germanique avait-elle été diminuée ? On ne sait, mais les évaluations des historiens sont effrayantes : il ne serait resté que des milliers d’individus, là où l’on en comptait des millions au commencement du dix-septième siècle. Des brousses, des tourbières recouvraient les bourgades et les cités disparues.

Pendant la guerre de Trente ans, les protestants anglais n’avaient pu se porter au secours de leurs coreligionnaires d’Allemagne : ils avaient eu également leurs grandes luttes à soutenir. Là, les idées nouvelles, qui se révélaient d’une manière éblouissante dans leur manifestation littéraire, cherchaient également à se réaliser dans le monde politique et social, contrairement aux intérêts de toute nature engagés dans le maintien des institutions anciennes. Le roi Jacques Ier, luttant contre son Parlement, essayait sans succès de gouverner seul, conformément à son droit divin : le manque de fonds l’obligeait quand même aux concessions humiliantes. L’état de crise s’envenima lors de l’accession de Charles Ier au trône (1625) à tel point que le roi, personnage volontaire, capricieux, perfide, et non moins infatué de sa dignité royale que l’avait été son père, crut pouvoir se brouiller définitivement avec son peuple : pendant onze années, il préleva les impôts en violation des lois, sans convoquer les membres du Parlement, et s’appuya sur des alliances avec la France et l’Espagne pour intimider ses sujets indignés contre lui. Mais la Révolution finit par éclater à propos d’une question religieuse, suscitée quand même par l’esprit national, car c’est en Écosse que le mouvement éclata : en 1637, dans l’église St-Giles, à Edimbourg, une femme du peuple Jenny Geddes, jeta son tabouret pliant à la tête du prêtre qui lisait la liturgie suivant le rite anglican. Un an plus tard, les presbytériens s’engagèrent par un solennel covenant ou contrat à se soutenir mutuellement contre tous les ordres du roi, relatifs à la confession de foi religieuse et à l’exercice du culte.

Ce contrat, c’était la guerre, et déjà çà et là les covenanters écossais commençaient à expulser les troupes royales. Il n’était plus possible à Charles Ier de continuer à gouverner en dépit de son peuple et, de la plus mauvaise grâce du monde, il dut s’exécuter en convoquant le Parlement de 1640 : mais c’est en vain qu’il demanda de l’argent. On lui en refusa, tandis que les Écossais pénétraient en pleine Angleterre et