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l’homme et la terre. — le roi soleil

nations secondaires dans le grand drame qui se préparait. Déjà plusieurs fois, la guerre avait été sur le point d’éclater : les deux armées se constituaient : lorsque l’union des princes et des villes se fit en 1608, au nom du protestantisme, la Ligue catholique lui répondit en 1609. En dehors de l’Allemagne, l’Espagne et la France se tenaient prêtes pour entrer dans le mouvement, l’une afin de réaliser l’idéal jésuitique de l’Eglise universelle, l’autre, animée par l’intention toute politique d’abaisser la puissance de la maison d’Autriche et de prendre sa place dans l’hégémonie européenne. Mais la mort d’Henri IV retarda le cours des événements jusqu’à ce qu’un accident, la « Défenestration » de Prague, accomplie, « selon un vieil usage de Bohème », par la foule des Tchèques mécontents sur la personne des conseillers impériaux, déterminât la guerre.

C’était en 1618, et, pendant trente années, devait se continuer l’égorgement, accompagné de misères sans nombre. Le premier choc ne fut pas favorable aux novateurs : la bataille de la montagne Blanche (1620) livra les Bohémiens rebelles à la merci de l’empereur Ferdinand II, qui poursuivit son succès par une persécution terrible et méthodique, sous la très savante direction des jésuites, car, depuis trois siècles, la Bohème vaincue est restée fidèle au culte qu’on lui imposa, et la vie politique ne s’y est ranimée que depuis les temps révolutionnaires modernes. Victorieuses en Bohème, les troupes impériales et catholiques de l’Autriche, de la Bavière, de l’Espagne poussaient leurs avantages dans le Palatinat, puis sur les bords inférieurs du Rhin et dans les plaines septentrionales. Après dix années de guerre, la réaction religieuse et politique parut l’avoir emporté dans toute l’Europe centrale, quoique le roi de Danemark, Christian IV, fut intervenu pour aider les protestants d’Allemagne. Les grands capitaines, Tilly, Spinola, Wallenstein avaient tout balayé devant eux : seulement ce dernier avant échoué devant les remparts de Stralsund dut, après deux mois de siège, battre en retraite avec une armée amoindrie de douze mille hommes. Néanmoins le triomphe de l’ancien régime semblait si bien établi qu’en 1629, Ferdinand II fit proclamer un « édit de restitution » d’après lequel tous les biens que princes et villes avaient enlevés à l’Eglise dans toute l’étendue de l’Empire lui seraient rendus : de même que les richesses matérielles, les âmes devaient être restituées au catholicisme : partout on essaya d’imposer