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l’homme et la terre. — le roi soleil

d’expansion vers l’extérieur. Le goût des aventures, des voyages, devenu si puissant en Angleterre, se précisait déjà comme un trait national et pénétrait dans la littérature : des centaines, des milliers de déclassés se précipitaient à la suite de Waller Raleigh ou de tel autre chercheur de trésors ou de prodiges dans les pays lointains. La destruction de la grande Armada des Espagnols laissait la mer libre, et désormais les Anglais, n’ayant plus que les Hollandais pour grands rivaux, voyaient s’ouvrir devant eux tous les chemins de l’Océan.

Aussi longtemps que les centres commerciaux étaient restes dans le bassin de la Méditerannée, Tyr ou Carthage, Bysance ou Syracuse, Venise ou Gênes, la Grande Bretagne paraissait être aux extrémités les plus reculées de la terre : ses promontoires, ses archipels tournés vers les vagues de l’Océan tempétueux étaient des limites redoutées que personne n’osait franchir. Mais dès que le Nouveau Monde eut été découvert et dépassé, dès que la circumnavigation du globe eut été faite, que la Terre fut réellement devenue ronde sous le sillage des vaisseaux, l’ensemble du monde connu se déplaça par rapport aux îles Britanniques, et l’Angleterre, cessant d’être l’extrême borne des terres habitables, se trouva du coup, sinon au véritable centre, du moins vers le milieu de tout l’ensemble géographique des masses continentales. Nulle position ne lui était supérieure pour les échanges avec le monde entier[1]. Du reste, l’Angleterre prétendait déjà depuis longtemps, depuis Édouard ier, en 1299, à la souveraineté des mers chrétiennes jusqu’en vue des côtes d’Espagne. Cette prétention était maintenue en droit international, et les vaisseaux de guerre anglais exigeaient le salut en pleine mer.

Mais c’est principalement de l’époque de déploiement commercial inauguré à la fin du seizième siècle que date la tradition de « Britannia commandant aux flots et à la mer », à la fois par ses pirates et par ses marchands. On en vint même à définir expressément les « mers britanniques, ou mieux, les mers de Sa Majesté » comme l’étendue maritime se prolongeant jusqu’au cap Finisterra, et, quoique de nos jours les lois internationales fassent commencer la haute mer à trois milles marins (cinq kilomètres et demi) du littoral, tout l’estuaire de Bristol, entre les comtés de Somerset et de Glamorgan, était tenu pour « territoire » anglais. Quoi qu’il en soit, les navigateurs britanniques du seizième siècle

  1. H. J. Mackinder, Britain and the British Seas, p. 1, 4.