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henri iv, le roi vert-galant

qu’il fit même bonne chère a l’occasion, ce qui ne l’empêcha point d’être impitoyable contre les braconniers et de restreindre de son mieux tout ce qui pouvait rester des libertés municipales et nationales : il se garda bien de convoquer les Etats-généraux. C’est d’Henri IV que procédèrent Richelieu et Louis XIV.

Dans la Grande-Bretagne, la transformation religieuse avait pris son caractère officiel et définitif : de schisme violent qu’avait été la religion dictée par Henri VIII à ses sujets, le protestantisme anglican était devenu un culte ayant son originalité propre, son dogme, sa liturgie, un commencement de traditions. Cependant, le tassement des idées et des habitudes ne s’était pas encore suffisamment opéré pour que la réaction catholique ne put momentanément reprendre le dessus. Aidée par le royalisme monarchique, très puissant sur l’esprit des foules, la dévote Marie, fille de Catherine d’Aragon, l’emporta (1533) sur la protestante Jane Grey, sa rivale infortunée, qui perdit bientôt après sa tête sur le billot. Marie put même, pendant les cinq années de son règne, reprendre l’œuvre de persécution catholique contre les hérésies ; elle établit sous un autre nom le tribunal des inquisiteurs, et envoya sur le bûcher près de trois cents individus, parmi lesquels trois prélats anglicans, une soixantaine de femmes et quarante enfants. Aux yeux de ses sujets protestants, la reine ne fut plus que « Marie la Sanglante ». Néanmoins, elle mourut de sa belle mort, après avoir engagé l’Angleterre dans une guerre contre la France et associé ses armées à celles de son mari Philippe II, lors de la victoire de Saint-Quentin.

L’ordre naturel de succession au trône (1558) ramena le régime anglican avec le gouvernement d’Elisabeth, également fille d’Henri VIII, mais par Anne de Boleyn. L’état d’équilibre instable dans lequel se trouvait encore l’Angleterre au point de vue religieux cessa complètement : le protestantisme règne désormais, représenté non seulement par son Eglise d’Etat, imposante héritière de la religion catholique, mais aussi par des sectes nombreuses nées du libre examen, de l’initiative spontanée des fidèles. Aussi la nouvelle religion officielle, se jugeant infaillible, comme la précédente, eut-elle à sévir d’une part contre les catholiques, encore ambitieux de reconquérir le pouvoir, d’autre part contre les « dissidents ou non conformistes, qui se permettaient de pratiquer leur culte en obéissant à leur conscience et non au formulaire hiérarchique. Le régime qui prévalut en Angleterre sous le règne d’Elisabeth,