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l’homme et la terre. — colonies

coup de grâce. C’est en vain que les conquérants de la Bolivie voulurent gagner le réseau des fleuves amazoniens. En 1560, Diego Alemân descendait de la Paz vers les régions que parcourt l’Amara-Mayo ou « Madre de Dios », mais il fut capturé par les indiens Mojos. Cinq ans après, une expédition envoyée à la recherche des mines d’or et d’argent fut plus malheureuse encore : on n’en reçut jamais de nouvelles[1].

D’ailleurs, si les entreprises d’exploration furent souvent malheureuses, les autorités coloniales en étaient presque toujours la cause. De même que le gouvernement métropolitain s’était attribué le droit de permettre ou d’interdire les expéditions dans le Nouveau Monde, de même les divers pouvoirs représentatifs de la volonté royale veillaient avec un soin jaloux à ce que les voyages, tous tentés en vue de trouvailles d’or et d’argent, fussent autorisés et surveillés ; il leur fallait d’abord être assurés qu’ils auraient la bonne part des bénéfices futurs : des deux côtés du continent, les autorités castillanes et portugaises se défiaient les unes des autres, aussi que de fois des explorateurs durent s’enfuir pour échapper à la surveillance inquiète des gouverneurs espagnols ! Pour cette raison principalement, et, par suite des extrêmes difficultés des expéditions, les communications entre les Andes et l’Atlantique étaient toujours arrêtées : c’est par le côté du Pacifique seulement que l’Espagne pouvait se mettre en rapport avec les conquérants du Pérou.

A l’est de l’Ecuador, l’ancien royaume des Quitu, il semblait plus facile qu’ailleurs de s’ouvrir une porte de sortie vers l’Atlantique, car, en cette partie de leur développement, les Andes proprement dites sont moins hautes et moins larges que dans le reste de leur étendue, et les rivières qui en descendent mènent en droite ligne vers la grande artère fluviale des Amazones. Un des frères du fameux Pizarro voulut en effet suivre ce chemin, il s’embarqua en 1540 sur le fleuve Napo, à travers une forêt d’arbres qu’il s’imaginait être des canneliers ; mais le voyage se fit si long, si pénible, il se compliqua tellement de fièvres et de maladies d’épuisement que Gonzalo Pizarro dut y renoncer et reprendre la route du plateau pour sauver ce qui restait de sa troupe. Seulement un de ses lieutenants, Orellana, laissant porter son esquif par le courant du Napo puis par le grand flot de l’Amazone, finit par atteindre la « mer douce »

  1. Sixto L. Ballesteros, La Provincia de Caupolicán, pp 8 et 9.