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l’homme et la terre. — colonies

temps de la conquête, cherchèrent dans l’exil volontaire un abri contre la persécution ; eux-mêmes prétendent être d’origine basque. Peut-être les deux versions ont-elles une part de vérité ; quoi qu’il en soit, les petits commerçants et industriels antioqueños que l’on rencontre dans toutes les parties de la République justifient ce renom de labeur ingénieux que l’on attribue à leur race.

Par sa disposition géographique, le système des Andes présente du nord au sud une succession de plateaux qui rappellent les conditions des hautes terres de l’Anahuac, mais en des proportions beaucoup plus considérables. Du massif colombien de Pasto jusqu’à celui d’Aconquija, dans la République Argentine, sur un développement d’environ 4 000 kilomètres, les arêtes andines se prolongent parallèlement en une double ou triple rangée, de manière à délimiter nettement de hautes plaines dont le climat n’est pas encore trop froid pour le séjour de l’homme : le sol y est fertile et les communications, quoique pénibles en certains endroits, sont néanmoins plus praticables que dans les immenses forêts des versants orientaux tournés vers les fleuves amazoniens. Le long espace ainsi circonscrit par les montagnes est, il est vrai, assez étroit dans sa partie septentrionale, mais vers le centre, dans les contrées qui constituent aujourd’hui le Pérou méridional et la Bolivie, il n’a pas moins de quatre à cinq cents kilomètres en largeur, de sorte que la nation établie sur ces hauteurs disposait d’un ample point d’appui pour s’étendre au loin et maintenir un caractère homogène dans sa vaste demeure.

Lors de l’arrivée des Espagnols, dans la première moitié du seizième siècle, un empire existait en effet dans ce territoire andin, et, quoique déchu par suite des vices de son organisation intérieure, il n’en comprenait pas moins un espace de beaucoup supérieur à celui des plus grands États européens. À l’époque de sa toute-puissance incontestée, le Tlahuanti-Suyu, ou royaume des Quatre Parties du Monde, gouverné par la famille des Inca, avait de beaucoup débordé de la haute région des plateaux pour descendre à l’est et à l’ouest sur les deux versants : du côté de l’Océan, il atteignait le littoral où se succédaient de grandes cités, reliées les unes aux autres par un service de navigation sur de très solides radeaux à deux mats. Jusqu’en pleine mer, à plus d’un millier de kilomètres du continent, les Inca s’étaient approprié l’Archipel des Galapagos. Sur les pentes orientales des Andes, les fourrés de la selve impénétrable limitèrent l’empire et son influence d’une manière plus