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l’homme et la terre. — colonies

venir à bout de la résistance de Mexico. Lorsqu’il débarqua en 1519., près du lieu où il fonda la cité de la Vera Cruz, il n’amenait avec lui guère plus de cinq cents hommes, mais, n’ayant point à combattre de grandes armées, il put triompher en détail des caciques plus ou moins puissants qui lui barraient la route, puis renforcer sa troupe des Indiens vaincus qui consentaient à le suivre, et surtout des hommes valides recrutés dans les tribus indépendantes ou même révoltées contre l’oppression des Aztèques ; plusieurs fois aussi, il eut la bonne fortune de ranger de son côté des centaines de soldats espagnols que son ennemi et rival Velasquez, le gouverneur de Cuba, envoyait contre lui. Aussi rusé que courageux et avide, Cortez réussit à se saisir de la personne de Montezuma, le souverain de la nation, et à gouverner en son nom, en lui faisant décréter la soumission de la contrée à l’empereur Charles Quint et le paiement d’énormes tributs. Mais, trop pressés de jouir, les conquérants ne surent ni ne voulurent se concilier le peuple et, dans la noche triste, la « triste nuit », lorsqu’il leur fallut évacuer la ville insulaire de Tenochtitlan, la Mexico de nos jours, en passant avec leurs bagages et leurs quelques chevaux et canons sur l’étroite chaussée coupée de ponts qui rattachait la ville à la terre ferme, ils crurent que leur dernier moment était venu. La légende se fit aussitôt sous les yeux hallucinés des fuyards : la mère de Dieu et saint Jacques de Compostelle, saisissant eux-mêmes le drapeau de Castille et de Léon, conduisirent les survivants sur la terre ferme, où ils se préparèrent à la reconquête de la cité lacustre.

En 1521, la domination espagnole était définitivement assise sur le plateau d’Anahuac : tous les Aztèques et autres peuples indigènes ayant été soumis, devenaient par cela même autant de chrétiens présumés ; Cortez, dans son ascension victorieuse du plateau, avait déjà converti tous les païens rencontrés par lui, en les forçant à s’agenouiller devant la croix et les images de la Vierge[1] ; mais cette cérémonie préliminaire n’était pas même indispensable pour opérer des conversions en masse : il suffisait de proclamer la prise de possession. Un moine, armé d’une croix, prononçait quelques paroles latines devant la foule des indigènes, puis un notaire lisait un document officiel, à peine compréhensible pour les Espagnols eux-mêmes, attribuant au « roi

  1. Barnal Diaz del Castillo.