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l’homme et la terre. — colonies

l’ouest tourne vers l’océan Pacifique. La cote orientale se développe en un vaste demi-cercle et limite une mer fermée : les rives sableuses et vaseuses du Texas, la patte d’oie des bouches mississippiennes, les bancs coralligènes de la Floride et de ses « cayes », la « langue d’oiseau » qui termine l’île de Cuba, puis la masse quadrilatère du Yucatan limitent cette mer intérieure, ne laissant que deux bouches de communication entre les eaux du dehors, la mer des Antilles et l’Océan Atlantique. La concavité du littoral mexicain formait donc un lieu naturel de convergence pour les navigateurs venus des côtes environnantes : c’est par cette façade de la contrée qu’arrivèrent tous les apports de la civilisation extérieure, du Yucatan, de la Floride, des Antilles et finalement ceux de l’Europe.

La côte occidentale du Mexique, au contraire, s’arrondissait en une longue courbe convexe au bord d’un océan sans limites. Jusqu’à l’époque des grandes navigations mondiales qui rapetissèrent le globe terrestre, cette partie du rivage océanique dut rester solitaire, sans autres relations que celles du petit trafic, de baie en baie. Défendue contre les courants du large par la presqu’île de Californie agissant comme un brise lames de mille kilomètres de long, la côte ne pouvait être le lieu d’arrivée des embarcations en détresse, montées par des Japonais ou des Polynésiens : c’est plus au nord, vers la Californie septentrionale, ou beaucoup plus au sud, le long du littoral chilien, que de pareils naufrages, occasion de mélanges ethniques, purent avoir lieu. On peut même se demander si les Mexicains d’autrefois ont connu les îles volcaniques de Revilla Gigedo, qui dressent leurs rochers à 600 kilomètres à l’ouest de la côte. Même par terre, les migrations de peuplades et les rapports internationaux ne purent se faire qu’avec une grande lenteur le long de la côte convexe du Mexique occidental, à cause du manque d’une route naturelle bien tracée de bassin fluvial à bassin fluvial : en maints endroits les communications étaient rendues fort pénibles par des coulées de laves, des espaces sans eau et d’abrupts promontoires.

L’œuvre de la conquête espagnole au Mexique, en Colombie, au Pérou, fut certainement facilitée par l’état politique et social des populations qui se trouvaient alors en voie de régression évidente et que l’on aurait été forcé de respecter davantage si elles avaient conservé, comme les Araucans, l’énergie de leur initiative individuelle. Les Mexicains reconnaissaient leur décadence, puisqu’ils parlaient d’un âge d’or pendant lequel les sciences, les arts, l’industrie avaient merveilleu-