Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
l’homme et la terre. — colonies

altitudes. Il en résultait que les résidants du plateau, enfermés dans la haute enceinte, n’avaient guère à craindre les assauts des peuples de la zone inférieure. En premier lieu, ils étaient de beaucoup supérieurs en nombre, grâce à la nature de leur sol tempéré, qui partout était propre au défrichement et à la culture ; ensuite ils devaient à cette prédominance de densité la naissance de grandes villes et de classes industrielles ingénieuses à tous les travaux, entr’autres ceux de la défense, tandis que les tribus parsemées dans les terres chaudes du littoral, et n’ayant point à travailler pour leur nourriture, restaient dans la paresse intellectuelle primitive, ne songeant guère à l’escalade des hauts sommets et à l’attaque de leurs défenseurs. Aussi, lorsque les conquérants espagnols gravirent le plateau, se trouvant, eux, en des conditions spécialement favorables pour l’offensive puisqu’ils avaient le cheval et les armes à feu, ils constatèrent que l’empire de Montezuma, établi dans le bassin fermé de Mexico, comprenait la plus grande étendue des pentes extérieures jusqu’aux deux mers : l’initiative de la conquête avait appartenu aux montagnards, de même qu’en tant d’autres endroits des Andes, de l’Himalaya, des Alpes.

Il est vrai que du côté du nord, le plateau du Mexique, enserré entre ses deux chaînes bordières qui suivent, l’une le littoral du Pacifique, l’autre celui du golfe mexicain, s’ouvre largement vers le haut bassin du rio Grande. Dans cette direction, le relief du sol n’oppose pas d’obstacle aux migrations et aux conquêtes, aussi des ressemblances de race et de mœurs témoignent-elles de la parenté des populations. Il est certain que des mouvements ethniques ont eu lieu dans le sens du nord au sud des plaines du Mississippi vers l’entonnoir que présente le plateau du Mexique, graduellement rétréci dans la direction du sud-est (Bandelier). À une époque antérieure, alors que les glaciers des Rocheuses et des autres systèmes montagneux de la contrée avaient empli de lacs les vallées et répandu de toutes parts des eaux courantes, les espaces devenus arides et déserts qui séparent le Far-west américain du plateau tempéré de l’Anahuac étaient parmi les plus agréables de la Terre, et les nations émigrantes s’y mouvaient en toute facilité. C’est alors que durent se faire les échanges de civilisation entre les riverains du Mississippi et les habitants des hautes terres méridionales, séparés maintenant par des solitudes et par des zones de très faible population. L’extension graduelle du désert précise de plus en plus l’isolement ethnique des