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l’homme et la terre. — colonies

l’arrivée de Vasco de Gama, toute la région de la côte, des bouches du Zambèze au cap des Aromates, constituait une grande fédération de républiques commerçantes, connue sous le nom d’empire zeng : des cités populeuses, Mombaza, Mélinde, Sofala, d’autres encore attiraient les marchands de toutes les terres riveraines de l’océan Indien, qui s’y rencontraient avec les caravanes de l’intérieur. La violente intervention des Portugais changea tout ce bel équilibre. De peur des persécutions religieuses, les musulmans s’abstinrent de fréquenter les marchés du littoral, et les caravaniers finirent par en oublier le chemin : de l’empire zeng, il ne subsiste qu’un nom : « Zanguebar » ou Zanzibar, terre zeng, et les villes de la côte, ayant perdu leur force d’attraction, laissèrent retomber les habitants de l’arrière-pays en leurs éléments primitifs de peuplades distinctes et ennemies. La régression fut complète, mais du grand désastre il reste à peine un souvenir : tant de nations, après avoir brillé pendant un temps, ont successivement disparu de l’histoire !

Dans le Nouveau Monde proprement dit, les Espagnols purent longtemps continuer leurs entreprises de conquêtes et de colonisation sans avoir à craindre leurs rivaux d’Europe autrement que dans le voisinage des ports et sur la haute mer, comme boucaniers et pirates : à l’intérieur des terres, ils n’eurent de conflits qu’avec les indigènes. Pendant plus de trois siècles, les latinisés de la péninsule Ibérique, Espagnols et Portugais, furent les seuls Européens dont l’action se fit sentir sur les populations de la partie du Nouveau Monde limitée au nord-est par le bassin du Mississipi. Drake, Hawkins, Raleigh et autres corsaires anglais étaient trop peu nombreux pour chercher à annexer des territoires ; ils se contentaient de faire la course aux galions espagnols et leur œuvre s’arrêtait généralement à la côte.

Il n’y eut intervention et conquête de la part d’autres Européens que dans la pléiade des Antilles et sur le musoir le plus avancé du Brésil, à Pernambuco, où, vers le commencement du dix septième siècle, les Hollandais continuèrent le mouvement de reprise des colonies portugaises, qu’ils avaient si brillamment accompli dans les Indes Orientales. L’immense domaine, environ vingt-deux millions de kilomètres carrés, qui comprend aujourd’hui toutes les républiques latines de l’Amérique resta donc soumis à l’influence de l’Europe par l’intermédiaire unique des Espagnols et des Portugais pendant une