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l’homme et la terre. — réforme et compagnie de jésus

« L’impôt que l’on appelle « cas de la mort » (Sterbfall) est à supprimer comme vol odieux des veuves et des orphelins.

« Nous annulerons n’importe lequel des articles précédents si on nous prouve qu’il est en désaccord avec l’esprit de la sainte Écriture, mais nous nous réservons de l’étendre, si cela nous parait conforme avec l’Écriture et avec la vérité ».

Telles étaient les justes mais insuffisantes revendications des paysans « frères », et si les réformateurs avaient eu à leur égard le moindre sentiment d’équité, ils auraient dû faire cause commune avec eux, au lieu de prendre pour alliés les seigneurs et comtes palatins. Mais c’est en face de ces malheureux exposant leurs doléances avec tant de modération que l’on constate combien peu la religion nouvelle, se réclamant de la liberté d’interpréter la Bible, avait de points de contact avec l’idée de la liberté en soi, et combien, au contraire, elle aimait à se ranger du côté des forts contre les faibles, des riches contre les pauvres, des propriétaires contre les communistes qui commençaient à se dresser çà et là en masses compactes, surtout en Thuringe, en Saxe, dans la Hesse et la Souabe. Luther, hors de lui à la vue du lion populaire que ses ennemis l’accusaient d’avoir déchaîné, mit toute son éloquence, toute sa fureur au service des princes féodaux pour ramener la foule à l’asservissement traditionnel. « Si je pouvais en prendre la responsabilité devant ma conscience, je conseillerais et j’aiderais plutôt pour que le pape, avec toutes ses abominations, redevint notre maître, car c’est ainsi que le monde veut être conduit : par de sévères lois et par les superstitions »[1]. Mais ce que Luther n’osa pas faire en s’adressant au pape qu’il avait renié, il le fit en invoquant les princes qu’il avait associés à sa révolte contre l’Église, et il le fit en un langage atroce : « Comme les âniers, qui doivent rester tout le temps sur le dos de leurs bêtes, sans quoi elles ne marchent pas, de même le souverain doit pousser, battre, étrangler, pendre, brûler, décapiter, mettre sur la roue le peuple, Herr Omnes, pour que celui-ci le craigne et soit tenu en bride ». « Ecrasez, étranglez, poignardez, en secret, en public et comme vous le pourrez, vous rappelant que rien ne peut être plus venimeux qu’un homme rebelle. Tel prince remuant (aufrührisch) gagne plus vite le ciel par le massacre que par la prière ». El les conseils du « réfor-

  1. Cité par Hartmann, Religion de l’Avenir.