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soulèvement des paysans

lutte avec les bourgeois des villes. En diverses occasions, on vit en effet des montagnards suisses s’unir avec les paysans souabes, mais l’alliance ne fut point durable, car les gens de la houlette et de la charrue avaient déjà pris l’habitude de se vendre pour endosser le harnais de guerre. Les seigneurs combattirent les paysans révoltés en lançant contre eux d’autres paysans, des Landsknechte, lansquenets, ayant le droit de vol, de rapine et de meurtre.

D’ailleurs les paysans, même se redressant contre leurs maîtres, étaient encore si doux, si humbles, si respectueux des privilèges antiques, si désireux de faire de nouveau la paix que leur manque d’audace les condamnait d’avance à la défaite. Ainsi que le disait un de leurs refrains, « ils ne pouvaient se guérir des prêtres ni des nobles », si bien que, pendant la guerre, ils confièrent volontiers la direction de leurs affaires non à des paysans comme eux mais à des chevaliers, presque tous traîtres futurs. Combien modestes étaient les réclamations contenues dans les « douze articles » que la noblesse de l’époque accueillit avec tant de fureur !

« Chaque commune doit avoir le droit de choisir un pasteur et de le destituer en cas d’indignité.

« Chaque commune doit payer la dîme ordonnée par l’Ancien Testament, mais elle ne doit pas en payer d’autre.

« Le servage est aboli, car il ne s’accorde point avec la rédemption de l’homme par Jésus-Christ ; mais la liberté chrétienne n’empêche pas l’obéissance envers l’autorité légitime.

« Le gibier, les oiseaux, les poissons d’eau courante appartiennent à tous.

« La propriété des forêts fait retour des seigneurs à la commune.

« La corvée n’est point permise, car il importe de se conformer aux usages antiques.

« Les seigneurs ne peuvent exiger des paysans que les services établis par contrat ; pour tout surcroît de travail, il leur faut payer un denier légitime.

« Lorsque les biens sont tellement surchargés d’impôts que le travail ne rapporte plus rien au cultivateur, le taux du loyer doit être réduit après arbitrage d’hommes honorables.

« Les amendes judiciaires ne doivent pas être accrues arbitrairement, mais il faut suivre les anciennes coutumes.

« Celui qui s’est emparé injustement des biens communaux est tenu de les rendre.