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l’homme et la terre. — les communes

firmer ces droits fondamentaux de la communauté villageoise : l’autonomie se maintint quand même, et dans plusieurs contrées avec assez d’énergie pour que le groupe de paysans se chargeât de sa propre défense contre les envahisseurs, Normands, Huns ou Arabes, et qu’il se construisit des remparts pour les transformer en cités : la commune urbaine naquit ainsi pour une bonne part du développement de la commune villageoise.

Partout où des républiques urbaines naquirent, au sein de la féodalité, la ville s’établissait d’autant plus solidement dans sa liberté municipale qu’elle se composait d’un groupement de hameaux ou de quartiers ayant gardé leur personnalité comme producteurs de denrées, comme marchands et consommateurs associés. A Venise, chacun des îlots fut longtemps une communauté indépendante, acquérant à part les vivres et les matières premières pour les distribuer entre les sociétaires. De même les villes lombardes étaient divisées en quartiers autonomes. Sienne est devenue fameuse dans l’histoire par les rivalités et les alliances, les brouilles et les réconciliations des vingt quatre petites républiques juxtaposées dans la grande république urbaine, Autour de la plupart des ville » du centre et du nord de l’Europe, les « voisinages » constituèrent autant de sous-municipes distincts gravitant vers le grand municipe : en Russie, chaque rue de la cité avait sa personnalité autonome[1].

L’ancienne Londres avant la conquête normande fut une agglomération de petits groupes villageois dispersés dans l’espace enclos par les murs, chaque groupe ayant sa vie et ses institutions propres, guildes, associations particulières, métiers, et ne se rattachant que d’une manière assez faible à l’ensemble municipal[2].

La cité du moyen Age normalement constituée nous apparaît comme le produit naturel de deux éléments d’association : d’abord celui des individus groupés suivant leurs intérêts de profession, d’idées, de plaisir, puis celui des voisinages, des quartiers, petites unités territoriales qui ne devaient point être sacrifiées au centre de la cité. Ainsi la ville type était à la fois une fédération de quartiers et de professions, de même que celle-ci était une association de citoyens. Par extension, des communes urbaines ou rurales s’unissaient en ligues : une confédération du Laonnais dura cent cinquante ans, et ne succombe qu’au milieu du

  1. Ernest Nys, Recherches sur l’histoire de l’Economie politique, pp. 34, 35.
  2. R. Green, Conquest of England.