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sentiment de la beauté

sement à la vie représentaient la jeunesse de l’art, les artistes italiens, détachés des liens du moyen âge, gardaient pour la plupart, même dans leur joie naïve, une pointe de mélancolie, de morbidesse, rappelant les tristesses d’autrefois. Ils avaient conquis, par les souffrances antérieures, la profondeur du sentiment et, par l’étude de l’homme et de la nature, retrouvaient l’entière beauté de la forme. Même le plus humblement chrétien des peintres de ce temps, fra Angelico, qui n’osait faire gras à la table du pape sans l’autorisation de son prieur et peignait tous ses personnages consciencieusement vêtus du cou jusqu’aux pieds, ne perdait jamais de vue dans ses œuvres la beauté du corps humain et s’inspirait des progrès accomplis dans la technique par ses contemporains.

Musée du Louvre.Cl. J. Kuhn, édit.

le concert champêtre
par giorcione, Vénitien, 1477-1511.

Et combien grande dut être la joie des artistes émancipés, presque tous gens de petits métiers, que l’on connaissait seulement par leurs prénoms ou sobriquets, quelquefois par le nom de leur ville, combien heureux dut être leur élan vers la beauté quand ils se sentirent libres de la représenter comme ils la voyaient dans tout l’éclat de la jeunesse et de