Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
l’homme et la terre. — la renaissance

d’or ; il a remis en lumière les disciplines libérales presque éteintes, la grammaire, la poésie, l’éloquence, la peinture, architecture, la musique, l’art de chanter sur l’antique lyre d’Orphée, et tout cela à Florence ! » Il écrit à un ami qu’il convie à s’établir dans la noble cité : « Sois heureux, sois Florentin ! »

Durant ce beau siècle de la Renaissance, en cette belle contrée d’Italie, les joies de l’étude n’étaient pas réservées à la seule élite des hauts esprits, des princes et fils de princes, elles devaient être également réparties au peuple, s’accommoder aux enfants, transformer les écoles, en faire des « maisons joyeuses », types de celles que bâtissent çà et là les hommes libres de la société moderne. Telle l’école que fonde Viltorino Rabaldoni, près de Mantoue, dans une prairie « réjouie d’arbres et de fontaines ». Dans la vaste maison, ornée de fresques et de fleurs, les enfants, venus de tous les pays, appartenant à toutes les classes sociales, vivent en frères, heureux, sans avoir à craindre les coups. Viltorino, dont le visage est si ouvert « qu’il guérit les malades », sait rendre la science aimable et le jeu instructif, tellement que ses disciples travaillent lorsqu’ils dansent, sautent, chantent, montent à cheval, courent les montagnes, et qu’ils s’amusent lorsqu’ils récitent du Virgile, écrivent du latin, improvisent des discours. L’éducateur avait compris que les diverses parties de l’être doivent être développées parallèlement, l’intelligence renouvelée par la variété des études, le corps restauré par la diversité des aliments et tout défaut physique corrigé : c’est ainsi que s’obtiennent la force et l’endurance, la beauté et la grâce. Rabaldoni, « né d’un chêne », était le modèle auquel tous cherchaient à ressembler[1].

Que l’on compare à ce lieu de bonheur les autres dans lesquels les élèves soumis à la torture des routines avaient a payer tous leurs manquements par un autre supplice, celui du fouet, traitement qui a tant d’admirateurs en Angleterre ! Un écrivain, louangeur du moyen âge, essaie de nous montrer cette éducation féroce sous un côté poétique. Il nous décrit la « Fête des Verges » que maîtres et parents, conduisant la troupe des petits, célébraient en Allemagne pendant un beau jour d’été. Sous l’œil sévère des gens d’âge, les écoliers allaient au bois faire la provision des verges qui devaient cingler leur chair : on les leur faisait choisir souples et dures, en fin bois de

  1. Philippe Monnier, Le Quattrocento, t. I. pp. 241 et suiv.