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l’homme et la terre. — découverte de la terre

du sud, de l’autre jusqu’au golfe d’Uraba, à l’angle nord-occidental de la Colombie, sur un développement côtier d’environ 9 000 kilomètres. En ces deux années 1499 et 1500, Peralonso Niño et Guerra avaient visité les rivages qui s’étendent à l’ouest du golfe de Paria ; Alonzo de Hojeda, accompagné des deux pilotes, Juan de la Cosa et Amerigo Vespucci, avait longé les côtes des Guyanes, du Venezuela et de la Colombie actuelle jusqu’au cap de la Vela ; puis Bastidas de Sevilla avait exploré les rivages qui se prolongent au delà vers les bouches de l’Atrato, tandis que Vicente Pinzon, l’un des anciens compagnons de Colomb, parcourait la « mer Douce » que forme le fleuve des Amazones au sortir de son estuaire. Il était suivi par Diego Lepe ; enfin, les treize navires portugais que Pedr’Alvarez Cabral menait aux Indes abordaient à l’ « île de Vera-Cruz ou Santa-Cruz », c’est-à-dire à la côte brésilienne, soit par suite d’une erreur de route, soit de propos délibéré, et pour faire reconnaître officiellement comme portugaise une terre que pratiquaient déjà des marins de toutes nations[1]. La prétention de Cabral ne fut point vaine : la langue portugaise resta implantée au milieu du domaine espagnol.

Il est certain que les traitants de Normandie faisaient des voyages sur la côte où s’ouvre la baie dite « Rio de Janeiro » « depuis plusieurs années en ça », avant 1503, puisque le fait est mentionné spécialement à propos de l’expédition du Dieppois Paulmier de Gonneville[2] : ainsi que le dit le document original, ces voyages de commerce se faisaient « surtout pour acquérir le braisil, qui est du bois à teindre en rouge ». Ce nom de « Braisil » est celui qui prévalut sur les appellations officielles de Vera ou Santa Cruz.

La prise de possession de cette terre occidentale par les navires de Pedr’Alvarez Cabral, en 1500, fut la date initiale du partage du nouveau continent entre le Portugal et l’Espagne. Celle-cî, en vertu des voyages de son grand-amiral Colomb et de ses lieutenants et rivaux, était devenue, d’après les usages traditionnels du droit des gens, la suzeraine des terres nouvellement découvertes ; mais de ce fait, le Portugal, déjà propriétaire depuis longtemps des Açores, se trouvait menacé de perdre les îles, peut-être douteuses, que les marins avaient signalées dans le voisinage ; occupé depuis plus d’un siècle à la recherche de contrées dans une direction nouvelle, il risquait d’être entièrement privé de ses trouvailles au profit

  1. Aug. de Carvalho, Revista da Soc. de Georgr. do Rio de Janeiro, 1893.
  2. D’Avezac, Nouvelles Annales des Voyages, 1869.