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l’homme et la terre. — découverte de la terre

Les armateurs et les pécheurs de morue n’écrivaient point leurs mémoires et ne se réglaient point dans leurs expéditions d’après les rapports officiels des amiraux et les décrets des rois. D’autre part, leur initiative était lente, et quand on constate l’existence d’une industrie très active, chez plusieurs nations à la fois, comme l’était, au commencement du seizième siècle, la pêche de la morue, on peut en conclure qu’elle avait pris son origine depuis longtemps déjà. Dès l’année 1464, un gouverneur de Terceira, Joâo Vaz Cortereal, aurait visité une « terre des Morues » (terra do Bacalhao)[1].

La prétention qu’eut un fils de ce Cortereal, Gaspar, d’avoir trouvé dans ces parages, en 1500, une « Terre Verte », permet de considérer comme très probable le fait que la tradition des voyages islandais ne s’était jamais perdue, même dans le sud de l’Europe ; les chasseurs de baleines, s’aventurant au loin dans les froides eaux boréales, avaient très probablement fait succéder la pêche de la morue ou bacalhao — le kabeljau des marins du Nord — à leur première et plus périlleuse industrie, à mesure que le cétacé devenait plus rare dans le golfe de Gascogne et les autres mers tempérées. Les pécheurs de ces mers n’étaient-ils pas ces étonnants devanciers des naturalistes de nos jours, ces hardis marins qui, depuis un temps immémorial, peut-être depuis les âges préhistoriques, savaient harponner le requin des eaux abyssales de l’Atlanlique à des centaines de mètres de profondeur ! Quoi qu’il en soit de l’hypothèse relative au maintien des navigations arctiques depuis l’an mil, les Basques, de même que les Portugais, revendiquaient comme leurs ces mers des grandes pêcheries de la « Terre Neuve ». Les premiers les nommaient Juan de Echaïde, d’après un navigateur que ne connaît pas l’histoire documentée ; les seconds appelaient ces parages « mers des Cortereaes », d’après le gouverneur de Terceira et deux de ses fils qui y avaient trouvé la mort.

Les découvertes faites dans les mers tropicales, sous la franche lumière du Midi, dans les îles et sur les côtes riches en or, en perles, en plantes précieuses, frappèrent les imaginations plus que les voyages accomplis dans les sombres mers boréales, et la mémoire n’en fut point perdue. Une légion de chercheurs s’était précipitée vers les Antilles et les rives du continent méridional en dépit des interdictions officielles et des conces-

  1. Luciano Cordeiro, De la Découverte de l’Amérique.