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l’homme et la terre. — découverte de la terre

l’honneur du pilote florentin qui le suivit. La première île à laquelle il aborda, Guanahani, était sans aucun doute une des Bahama sud-orientales, Cat Island, Mayaguana, Samana ou telle autre île voisine : aucun des lieux d’abordage décrits par les commentateurs du journal de bord ne coïncide absolument avec le récit de Colomb. Mais pour toutes ses autres expéditions dans les Antilles et sur le pourtour de la mer des Caraïbes, les itinéraires sont bien établis : on peut suivre ses navires sur les côtes de Cuba, d’Haïti ou Española, de la Jamaïque, de Puerto Rico, des Antilles extérieures, de la « côte Ferme » et des rivages de l’Amérique centrale, entre le Honduras et le golfe d’Uraba.

D’ailleurs, il faut bien le dire, le principal objectif de Colomb, que nous révèlent ses dix années d’exploration dans les eaux du Nouveau Monde, ne fut point d’accomplir de grandes découvertes géographiques : il avait plus à cœur d’amasser des richesses, d’acquérir des domaines, de s’assurer des redevances et des monopoles, de fonder une famille bien apanagée et disposant de revenus énormes. Il est vrai que tout cet amas d’or devait servir un jour à délivrer le Saint sépulcre, mais il ne fit jamais le moindre effort pour donner à ces pieux désirs la plus légère tentative de réalisation : son zèle religieux n’alla même jamais jusqu’à embarquer un chapelain à bord de ses caravelles.

Le fait capital dans l’histoire de Christophe Colomb est qu’après les Normands oubliés, il fut le premier à retrouver les terres d’outre Atlantique, et, pour un événement de cette importance, c’est déjà beaucoup qu’un gain de quelques années. Dans le mouvement d’expansion maritime qui caractérisait alors l’Europe occidentale, un Cabot, un Amérigo Vespucci, un Cabral eussent certainement accompli l’œuvre tôt ou tard. Ne croit-on pas pouvoir affirmer (Gabriel Gravier) sur la foi de documents dieppois que Vicente Pinzon, plus tard commandant d’une des caravelles de Colomb, avait visité la côte du Brésil en compagnie du Normand Jean Cousin quatre ans avant que le Génois cinglât avec sa flottille vers les terres américaines ? N’importe ! Le fait précis est là qui marque au nom de Colomb le grand tournant de l’histoire : la découverte du Nouveau Monde. C’est à lui également que reviennent, dans le domaine de la physiographie, les premières observations de la déclinaison magnétique et, dans les annales de la navigation, la pratique normale du va et vient à travers l’Atlantique suivant le cours régulier des vents : d’Europe aux Antilles avec les