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hypothèses sur la dimension du globe

Enfin, ne doit-on considérer comme certain que les Islandais conservaient encore la mémoire des voyages faits par leurs aïeux vers le Groenland et le Vinland ? Une simple interruption de cinquante années dans les libres communications de terre à terre pouvait-elle supprimer tout souvenir des expéditions dans le pays des Saga, et Colomb lui-même, qui vit les marins d’Islande, n’entendit-il point
christofoso colombo (1446?-1506)
D’après un portrait du Musée de Como.
parler de leurs exploits. Mais qu’il les ait connus ou non, il eut sur eux l’avantage inappréciable de naviguer dans une mer dont les flots et la houle le portaient directement à son but, tandis que les Viking normands affrontaient des tempêtes toute l’année[1].

Par un instinct naturel qui nous porte à chercher l’unité d’impression, les historiens sont tentés de donner une grande figure héroïque, une vertu surhumaine aux hommes qui furent, à la fin d’une longue suite d’efforts antérieurs à eux, les heureux exécuteurs d’une entreprise ayant duré de longs siècles. Tant de marins intrépides s’étaient aventurés dans la mer des Ténèbres, tant de vaillants chercheurs avaient quitté les rivages connus pour aller braver les tempêtes du grand Ouest, à la découverte des îles et des côtes lointaines, une somme si prodigieuse de travaux, de malheurs et de désastres était représentée par tous ces voyages, qui se succédaient de génération en génération, que le personnage dans lequel vient se concentrer tout le rayonnement de la

  1. Friedrich Ratzel, Das Meer als Quelle der Völkergrösse.