Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
l’homme et la terre. — découverte de la terre

de laisser dans l’immense pourtour du blocus à la fois maritime et continental.

De grands projets surgirent aussi pour conjurer le destin. Venise reprit les plans du pharaon Niko et de l’arabe Amru, en vue d’ouvrir l’isthme de Suez et de tailler une porte directe entre la Méditerranée et l’océan Indien par la mer Rouge[1]. Plus tard, au seizième siècle, sous Léon X, Paolo Centurione, devançant les entreprises du vingtième siècle, se rendit en ambassade à Moscou pour encourager le tzar à établir des relations suivies entre la Caspienne et les Indes par la voie de l’Oxus et de l’Afghanistan[2]. Mais les temps n’étaient pas encore venus pour ces grands travaux.

Suivant la loi du moindre effort, les forces vives de l’Italie, qui ne trouvaient plus leur emploi en Orient, cherchaient à se porter du côté de l’Occident, et les meilleurs, des marins et des pilotes, c’est-à-dire en cette occasion les plus hardis ou les plus aventureux allèrent chercher fortune dans les ports de l’Océan, à Séville, Lisbonne, même Bristol. L’industrie majeure des républiques italiennes étant le trafic des denrées et marchandises, les marins, devenus trop nombreux pour leur profession, parcouraient les ports, offrant leurs services aux puissants. On en vit même se diriger en sens inverse de l’exode général, vers cette même Constantinople dont le nouveau conquérant venait de couper les routes de l’Asie.

Les Vénitiens, isolés au fond de leur golfe s’ouvrant vers l’Orient, éprouvèrent de grandes difficultés à se dégager des anciennes voies, tandis que Gênes se retourna facilement, lorsque, par la volte-face du monde commercial, il devint nécessaire à la navigation de suivre les grands chemins océaniques partant des ports peu éloignés du détroit de Gibraltar pour se ramifier au Nord, à l’Ouest, au Sud, vers le Nouveau Monde et vers les Indes. Il est donc naturel que les navigateurs ayant eu la plus forte part à la découverte du double continent de l’Ouest, Colomb, l’explorateur des Antilles et de la « côte Ferme », Cabot ou Gabotto, le premier visiteur de l’Amérique du Nord après les Normands, aient été l’un et l’autre des enfants de Gênes, quoique le dernier, né peut-être à Gaète, fût aussi citoyen de Venise[3].

Evidemment, l’ancien outillage de la géographie européenne allait

  1. Rinaldo Fulin, Archivio Veneto, 1879.
  2. Aldo Blessich, Il progresso ferroviaire asiatico, pp. 5, 6.
  3. d’Avezac ; Gribaudi, Revista Géog. Ital., p 1904.