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visites d’occidentaux

magne et d’Italie s’étaient empressés en foule d’aller offrir leurs services aux destructeurs de la chrétienté. L’esprit de l’armée avait changé en même temps que ses éléments ethniques, et les soldats avaient graduellement cessé d’être des guerriers libres, élisant leurs chefs, pour devenir de simples pillards, guidés seulement par l’appât du butin. De leur côté, les « Seigneurs des seigneurs », suivant la pente naturelle qui entraîne les hommes vers le pouvoir, ne se reconnaissaient plus volontiers comme des élus de leur peuple et préféraient se considérer comme des maîtres absolus, de par la volonté de Dieu, qui se confondait avec leur propre volonté : tous leurs décrets étaient rendus « par la puissance du ciel inébranlable ». La mort les faisait dieux, cependant à certains égards on les traitait encore comme ayant été de simples hommes, puisqu’on leur donnait des compagnons pour les suivre dans l’autre monde. On sacrifiait autour du corps les chevaux qui l’avaient porté, on égorgeait aussi quarante jeunes filles pour former son harem d’outre-tombe, et tous les hommes que rencontrait la procession mortuaire étaient tués pour servir d’escorte. On dit que vingt mille hommes furent ainsi favorisés du destin qui en faisait les gardes du corps de l’invincible Djenghis. D’après les récits populaires, une forêt aurait poussé dans l’espace d’une nuit pour cacher aux yeux profanes l’endroit mystérieux où fut déposé le grand ancêtre des khan.

Devenus les souverains d’une moitié du monde, les empereurs mongols ne pouvaient manquer de recevoir les hommages de leurs adversaires, les rois chrétiens qu’ils faisaient trembler sur leurs trônes. En 1245, quatre ans après Liegnitz, le pape envoya d’abord en Tartarie un moine, Ascelin, qui, paraît-il, s’y prit fort mal en ses tentatives de conversion, et que le khan eut l’envie de faire écorcher vif. Néamoins il finit par le renvoyer sain et sauf, en mandant au pape : « Nous ne savons pas ce que ton envoyé nous a dit ; si tu tiens à nous faire comprendre le sens de tes paroles, viens toi-même ». L’année suivante, un autre légat, Plan-Carpin, se dirige vers le pays des Tartares « fils de l’enfer » et se présente devant Kuyuk-khan, après un voyage de seize mois, mais il ne rapporte de son séjour dans « l’autre monde » que le récit de miracles divins et de prodiges diaboliques, mêlé à quelque impression fugitive des contrées parcourues. On cite aussi l’expédition d’un André de Longjumel, en 1248.

Le roi Louis IX fit choix, en 1253, d’un ambassadeur non moins