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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

quarante mille travées ; le chemin de halage qu’il porte dessert un canal de navigation et d’assèchement dont les énormes dalles, recourbées à la base, protègent les polders de l’intérieur contre le formidable mascaret de la baie.

C’est à l’extrémité occidentale de l’estuaire que s’élevait l’agglomération industrielle et commerciale la plus active de la Chine, la métropole du midi de l’empire avant Nanking et Chang-haï, la fameuse Quinsay de Marco Polo devenue Han-tcheu, la « nobilissime cité, sans faille la plus noble et la meilleure qui soit au monde ».

Tandis que s’accomplissaient dans la Fleur du Milieu les merveilles de la civilisation du midi, la pression des nomades avides et pillards s’accroissait sur la frontière du nord. Les armées chinoises luttaient incessamment, avec des succès divers, contre les Tartares et les Mandchoux d’outre Muraille. À la fin la poussée devint irrésistible et les Mongols, descendant de leurs plateaux herbeux, pénétrèrent dans les campagnes basses qu’arrosent les grands fleuves. D’ailleurs, s’il y eut agression des Mongols contre le monde chinois, c’est que l’influence du grand empire méridional s’était déjà fait sentir depuis longtemps de l’autre côté de la Grande muraille et que la gloire s’en était répandue. De même que les barbares de Germanie furent attirés dans les riches cités de l’empire romain par la renommée de leur opulence, de même les Mongols avaient subi la hantise de tous les trésors accumulés dans les grandes ruches humaines de la Fleur du Milieu. Ainsi que les Goths, les Hérules et les Vandales, les Mongols avaient ou à servir comme mercenaires ou alliés dans les armées des empereurs voisins ; ils avaient appris en qualité de parasites leur métier de conquérants. Et l’atavisme guerrier des luttes d’autrefois se réveillait souvent en eux.

D’après leurs légendes, les Mongols n’étaient pas uniquement une nation de bergers nomades. Nombre de tribus qui se rattachaient à eux, tout en séjournant dans les hautes vallées des monts, connaissaient aussi l’industrie, le commerce, les arts ; comme mineurs et métallurgistes, ils prirent part à cette initiation des nations occidentales qui s’accomplit par des rites secrets, par l’intermédiaire des Cabires et autres peuplades avouées aux divinités du Feu. D’après une tradition que rapporte Lenormant, les anciens Mongols avaient vécu dans une vallée de l’Altaï fermée de tous côtés par d’infranchissables montagnes de fer : pour