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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

qui occupait la première place par la culture de ses habitants et par leurs progrès soutenus dans toutes les œuvres de la civilisation. La forme politique et sociale de la Chine répondait alors plus exactement qu’à aucune autre époque à l’idéal de Confucius, celui que présentent les familles réunies autour des pères, ceux-ci groupés en communes et les communes serrées en une collectivité d’hommes conscients d’une morale réciproque. Cette vaste société à laquelle ils étaient heureux d’appartenir se désignait au moyen d’un terme général « la Terre et l’Eau », qui témoigne d’un grand sens de l’harmonie des nations avec le sol nourricier[1].

Les temps les plus prospères de la Chine paraissent avoir été ceux qui s’écoulèrent du septième siècle au dixième. Pendant une grande partie de cette période, qui correspond à la dynastie des Tang, toutes les nations de l’Asie orientale restèrent groupées en un bel ensemble politique autour des riches provinces de la Fleur du Milieu qu’arrosent les deux grands fleuves Hoang et Yangtse. Les sciences et les arts se développèrent et, parmi eux, l’art par excellence, imprimerie, qui donne à l’homme le moyen de reproduire sa pensée en toute précision et de la répandre par milliers d’exemplaires. Dès l’an 593, l’empereur Wenti aurait donné l’ordre de reproduire un certain nombre de classiques par la gravure sur bois, « art connu déjà depuis longtemps[2] », et, dans les temps qui suivirent, on appliqua ce procédé d’une manière générale, ainsi que la gravure sur pierre et sur cuivre et les caractères mobiles ; mais les milliers de signes dont on avait besoin pour reproduire les ouvrages de littérature, d’histoire et de philosophie ne permettaient guère d’employer ces types mobiles, si ce n’est pour les ouvrages populaires, dans lesquels on n’utilise qu’une faible proportion de mots.

Durant cette grande époque, les artistes chinois étaient incontestablement les premiers dans le tissage des soieries, dans la fabrication des laques, des porcelaines, des bronzes. Les ingénieurs de la Chine se livraient aussi à des travaux que partout ailleurs nul ne songeait à entreprendre. C’est au VIIe siècle que l’on conçut l’œuvre gigantesque de réunir, par une large voie navigable de plus de 1 000 kilomètres en longueur, les trois grands fleuves du centre et du nord, le Yangtse, le Hoang-ho et le Pei-ho. Malgré la dangereuse traversée du fleuve Jaune qui change fréquemment de lit et tantôt inonde les campagnes, tantôt

  1. P. d’Enjoy, Revue scientifique, 8 sep. 1900, p. 305.
  2. Stanislas Julien, Documents sur l’Art d’imprimer.