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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

place à l’alphabet d’origine syriaque apporte par les Ouïgour et transmis par eux aux Mandchoux. Plus d’une fois les civilisations se juxtaposèrent paisiblement : des stèles portent des inscriptions bilingues. Yadrintsev et Heikel signalent même, près du lac Tsaïdam,
inscription ouïgoure découverte par klémentz
en sibérie (en
1882)
une de ces inscriptions rédigée en trois séries de caractères : chinois, ouïgour, runique[1]. Ainsi, d’Europe en Asie, la civilisation s’est propagée au moins quatre fois dans le sens de l’ouest à l’est, contrairement à une prétendue loi ; quatre écritures venues de l’Occident se sont succédé en Orient durant le cours des âges, l’écriture cunéiforme, les runes, le syriaque et le russe.

A l’époque où les formes religieuses issues de la civilisation bouddhique se généralisaient en toutes les contrées de l’Asie continentale et insulaire, les cultes d’origine sémitique avaient également accès en Chine. D’après une pierre des environs de Hsi-ngan[2], érigée en l’an 781 et portant une inscription bilingue, syriaque et chinoise, les Nestoriens, qui se distinguaient entre toutes les sectes dérivées du christianisme par le sérieux de leurs études, la dignité de leur conduite et la hardiesse de leurs entreprises, avaient pénétré en Chine dès 635, fondant de nombreuses communautés dans chacune des provinces. Même le mouvement religieux auquel ils donnèrent naissance influa d’une manière profonde sur les événements politiques.

Parmi les royaumes secondaires nés dans l’Asie centrale, on cite celui des Khitan — origine de l’appellation la plus commune de la Chine au moyen âge, et persistant encore en Russie, Cathay, Khitaï — qui fondèrent leur empire en dehors de la Grande Muraille, en Mongolie, et dont la domination s’étendit du Baïkal à l’Aral. Un de leurs khan ou khorkhan, Yelintache, roi des Kara-Khitan qui vivait au douzième siècle, acquit un grand renom comme législateur. On croit qu’il appartenait à la secte des Nestoriens, et c’est lui qui aurait pris dans la légende

  1. Deniker, Tour du Monde.
  2. Escayrac de Lauture, Mémoire sur la Chine.