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bouddhisme en indo-chine

péninsule malaise. Les indigènes riverains du lac Singora prétendent être issus d’immigrants venus de l’Inde. Leurs chefs disent avoir été institués par les dieux eux-mêmes et ne veulent se courber devant personne. Ils possèdent encore des livres sacrés, mais nul ne les comprend[1].

Des inscriptions sanscrites, trouvées dans l’Indo-Chine, mentionnent des relations existant aussi entre la grande péninsule asiatique et l’île de Java. Même un roi célèbre, connu généralement sous le nom de Yayavarman le Grand, qui régna au commencement du ixe siècle, était venu de la grande île (E. Aymonier). À cette époque, les rois de Cambodge, aussi bien que ceux des archipels Indonésiens et de l’Inde méridionale, portaient le nom de Varman : ils avaient des mœurs analogues et adoraient les uns et les autres Siva, souvent désigné par la même appellation que les rois. Les invasions de Malais et de Javanais arrivant par la mer étaient alors fréquentes et les inscriptions ne dissimulent pas une certaine crainte de ces « hommes très noirs et minces qui venaient en navires d’une contrée lointaine ». Une bande de ces pirates déroba une statue fameuse de Baghavati, qu’un roi mythique, Vicitra Sagara, avait érigée « 1 700 000 années auparavant » : on peut croire qu’elle existait au moins depuis plusieurs siècles[2].

L’île de Java conserve encore, entre autres traces de l’enseignement de Çâkya-Muni, les restes d’un temple à la fois bouddhique et sivaïte qui s’éleva, il y a plus de mille ans, à Beroe-Bœdhœr, près de Magelang, au centre même de l’île. Dans les terres qui se succèdent à l’est de Java, les traces de la doctrine apportée de l’Inde persistent encore sous des formes reconnaissables aux observateurs.

Après la migration des barbares, douze ou quatorze siècles avant nous, les régions du haut Yénissei étaient soumises à la domination d’un peuple turc, les Tou-Kioué (Tukiu) des chroniques chinoises, qui avait recueilli l’héritage des anciens Tchoudes et reçu d’eux l’écriture runique. Ces Tou-Kioué atteignirent sans doute un haut degré de puissance, puisqu’ils entretenaient des relations directes par le commerce et la diplomatie avec la Chine et l’empire Bysantin, mais, vers le milieu du huitième siècle, ils durent céder à l’ascendant de leurs voisins Ouïgour (Uigur), qui plus tard à leur tour disparurent devant les Khitan. L’écriture runique fit

  1. Skeat, Verhandlungen der Gesellchaft für Erdkunde zu Berlin, 1900, p. 436.
  2. E. Aymonier, The History of Tchampa, pp. 11, 14.