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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

saisit une religion très rapprochée moralement du christianisme, le culte du Buddha, pour pénétrer en Chine et se mêler graduellement, sinon se substituer, aux rites pratiqués par les religions antérieures. De même que le plateau d’Iran, la Judée, la Babylonie, l’Egypte et la Grèce fournirent aux Romains et aux barbares entremêlés les éléments de la foi chrétienne, de même l’Inde envoya dans tout l’Orient, par-delà les monts, des missionnaires pour prêcher sa nouvelle croyance aux sectateurs désabusés des religions antiques.

Toujours dans les mêmes conditions de parallélisme historique, le bouddhisme ne réussit à conquérir partiellement les populations de la Chine que plusieurs siècles après avoir eu son développement initial dans sa patrie d’origine, et lorsque déjà il ne ressemblait plus à ses formes primitives. La différence principale dans la marche victorieuse des deux religions s’explique par les difficultés que le milieu géographique met au va-et-vient des hommes : la parole de Jésus mit cinq ou six siècles à parcourir les contrées méditerranéennes et à atteindre les bords de l’Océan, celle de Buddha en prit dix ou douze pour passer de la péninsule hindoue à l’empire du Milieu et à l’archipel du Japon.

Le christianisme persécuté ne triompha qu’après être devenu une religion de persécuteurs ; le bouddhisme, qui avait livré ses premières luttes contre les prêtres et s’était révolté contre les cérémonies routinières pour s’attacher à la vérité pure, ne l’emporta dans les mœurs du peuple chinois qu’après s’être transformé lui-même en un cérémonial ecclésiastique méticuleux. Souvent les victoires consistent à changer les noms, tout en maintenant les choses, les révolutions ne sont qu’apparentes ; mais en Chine, les anciennes dénominations ne disparurent pas en entier. La religion de Confucius, le ju-kiao, et le tao-kiao ou prétendue doctrine de Laotse, se maintinrent quand même ; le fo-kiao, culte de Buddha, eut à conclure des traités de paix, à échanger des gages avec les croyances autrefois dominantes. C’est qu’en Chine, les laboureurs assurent une force prépondérante à l’élément conservateur : nulle part les étendues livrées à l’agriculture en un seul tenant ne comprennent une aussi grande surface relative. Les diverses superstitions, magies, divinations, rites et morales s’entremêlent donc en paix, avec le grave inconvénient d’accroître de beaucoup le nombre des parasites dans les ermitages et les couvents.

La première introduction du bouddhisme dans les territoires dépendant de la Chine remonte à une époque antérieure à la nôtre d’au moins