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l’homme et la terre. — les monarchies

indentations découpent en péninsules, surtout à l’occident, et qui se prolonge du sud au nord sur un énorme développement linéaire d’un millier de kilomètres, avec une très faible largeur relative, se divise, par cela même, en plusieurs contrées différentes les unes des autres, bien façonnées pour donner aux populations résidantes une vie autonome. La presqu’île de Cornwales et le massif montagneux de Wales, qui s’avance au loin dans les eaux du canal d’Irlande, étaient évidemment désignés par la nature comme des terres dont les habitants auraient dû normalement rester longtemps à part des autres insulaires en maintenant leurs coutumes, langue et institutions propres. Bien plus encore ceci était-il vrai pour le principal membre articulé du corps de la Grande-Bretagne, ce territoire dont le contraste géologique, géographique, climatique, ethnique et social a créé celui des deux nations, Écosse et Angleterre.

Evidemment, la zone basse de terrains comprenant les deux bassins de la Clyde, sur le versant occidental, et du Forth, sur le versant oriental de l’île, a dû prendre une importance capitale dans l’histoire des luttes qui eurent lieu de part et d’autre avant l’union des deux royaumes. Un foyer spécial de vie nationale devait se développer en ces campagnes à double pente, où le seuil de partage n’a que 61 mètres d’élévation au-dessus de la mer et où l’industrie ne manquera pas de creuser quelque jour un canal de grande navigation. En comparaison des régions montagneuses du nord, où s’alignent les âpres chaînes des Grampians, cette étroite dépression des terres fertiles, devenues populeuses, représente presque toute la partie vivante de la contrée, et, du côté du sud, elle se trouve également en contraste avec des montagnes couvertes de bruyères, avec des rochers et des solitudes qui s’étendent de mer à mer. Les Cheviot-hills, se prolongeant obliquement aux rivages dans la direction du nord-est au sud-ouest, constituent le rempart extérieur de ce massif avancé ; la limite officielle de l’Écosse, qui vient aboutir à la découpure du Solway Firth, correspond presque exactement à la limite naturelle : c’est bien là que se trouve la « taille » du grand corps élancé dont l’Écosse comprend la tête et le torse. Seulement, à l’extrémité nord-orientale des Cheviot-hills, un couloir assez large permettait le passage, et la possession de cette porte naturelle donna lieu à d’incessants conflits. C’est à la traversée des rivières, à la conquête des seuils que se livraient les batailles les plus acharnées.

Si l’on ajoute au territoire de l’Écosse proprement dite les archipels