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philippe le bel et l’église

depuis le commencement des Croisades. Leur crime, d’une évidence parfaite, était d’être riches : ils possédaient plus de neuf mille manoirs et des provinces entières dans toute l’Europe, du Portugal et de la Castille jusqu’à l’Irlande et à l’Allemagne. D’autre part, ils donnaient certainement prise aux accusations les plus graves ; aussi longtemps qu’ils avaient été les défenseurs du Saint Sépulcre, nul n’eût osé les juger, bien qu’ils se fussent permis tout ce que peut suggérer l’orgueil, l’insolence, l’avidité et la luxure : l’on se racontait à voix basse les rites abominables, musulmans et diaboliques, par lesquels ils glorifiaient le Temple comme distinct de l’Eglise. Aidée dans cette œuvre de déplacement des fortunes par les moines mendiants et autres parasites, c’est en raison de leurs hérésies que la royauté française osa les attaquer.

Cl. Kuhn, édit.

avignon. — le chateau des papes.

Le roi avait à se venger de n’avoir pu être reçu dans l’ordre, dont il aurait voulu devenir le grand-maitre ; en outre, il devait de l’argent aux Templiers et n’avait d’autres moyens de leur payer ses dettes qu’en les pillant eux-mêmes, en ravissant leurs trésors : après la ruine des Juifs, il n’avait plus que des chrétiens à rançonner. Toutefois, ces adversaires étaient si redoutables par le nombre, par la richesse, par le prestige que Philippe le Bel, aidé de son pape complaisant, put longtemps craindre