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l’homme et la terre. — les monarchies

en 1330, un manifeste formel établit nettement l’indépendance des électeurs impériaux en face des prétentions de Rome : il spécifie que les pouvoirs de l’empereur émanent exclusivement de l’oligarchie des princes.

En 1273, après l’ « interrègne », le choix des électeurs tomba sur un seigneur de rang secondaire, Rodolphe de Habsbourg, qui dut probablement sa fortune à la modestie relative de son rang. Le nouvel empereur, réduit à l’impuissance dans la grande politique, déjà lié, comme nombre de souverains modernes, par les règles de la constitution et les traditions du ministère, dut se borner à bien asseoir ses droits et privilèges de famille. Cependant quelques-uns de ses successeurs se laissèrent encore aller à la fascination de Rome et de l’Italie, mais sans résultat sérieux. Et non seulement la Péninsule échappait à l’empire, le royaume d’Arles aussi devenait difficile à gouverner et se fragmentait au profit de la monarchie française ; de plus, les routes se fermaient qui traversaient les Alpes suisses, les représentants des vallées s’étant unis par serment pour sauvegarder leur indépendance contre les prétentions des Habsbourg et de leurs baillis. Le duc Léopold d’Autriche pénétra imprudemment avec ses chevaliers lourdement armés dans les hauts défilés des Alpes : les pierres et les massues y triomphèrent des lances. La bataille décisive gagnée par les montagnards à Morgarten (1315) assura l’autonomie des cantons forestiers, noyau de la Confédération suisse. Lorsque le conflit se renouvela, vers la fin du siècle, les batailles de Sempach (1386) et de Næfels (1388) prouvèrent de nouveau que les monts de la Suisse étaient un rempart intangible.

Le domaine d’activité des empereurs allemands ne dépassait guère les régions méridionales et occidentales de la Germanie proprement dite ; les contrées du nord et de l’est se trouvaient sous la dépendance des villes hanséatiques, des chevaliers teutons et des margraves de Brandebourg, constituant ainsi un groupe distinct ayant déjà sa vie propre et contenant en soi les germes de cette individualité politique destinée à devenir la Prusse. Le contraste qui devait un jour prendre une importance capitale entre les deux grandes puissances de l’Allemagne, Autriche et Prusse, commençait à se dessiner historiquement : d’ailleurs, n’était-il pas déjà indiqué par le relief même des terres ? Les campagnes du moyen Danube et les terres sableuses où serpentent les rivières, où dorment les lacs d’entre Elbe et Oder, sont nettement séparées par le grand quadrilatère de la Bohême, ceint de montagnes et de forêts ; tandis qu’à l’ouest