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l’homme et la terre. — les monarchies

mènent au littoral et en gouvernait le mouvement par ses ports d’attache.

Londres, on le voit sur la carte, avait au plus haut degré la supériorité maritime pour les échanges avec les contrées d’Europe qui lui faisaient face, et en outre, elle était devenue le principal entrepôt de l’Angleterre par toutes les routes qui rayonnaient vers les autres ports et estuaires des côtes du Sud, de l’Ouest et du Nord. Mais pourquoi, s’est-on fréquemment demandé, la cité de Londres n’est-elle pas devenue la capitale officielle du royaume anglais ? Le siège du gouvernement ne semblait il pas dû à la cité la plus importante du royaume ? Pourquoi le petit village saxon de Charing, situé à quelques portées de flèche en dehors des murailles, fut-il le lieu de campement des chefs saxons, et pourquoi Westminster, son héritière, a-t-elle été choisie par les rois normands comme le centre de la vie politique ? Précisément parce que Londres, occupée par des marchands et des marins qui se régissaient selon des lois distinctes, constituait un microcosme d’origine antique et respectée, un État enclavé ne tenant à l’ensemble du royaume que par la reconnaissance du même souverain. C’est ainsi que les Mandchoux, descendant vers l’empire du Milieu, fondaient une ville tartare à côté de chaque ville chinoise, et que les barbares Touareg veillaient en armes dans leur campement aux portes de Tombouctou. C’est peut-être à cause de ce caractère de double capitale que London-Westminster a reçu en français, sous la forme de Londres, la marque du pluriel. Et pourtant, Lyon et Marseille ont prit la même terminaison dans l’orthographe anglaise, ce dont ne rend pas compte celle explication.

Quant à la Germanie impériale, elle n’avait et, d’après l’idée même qu’on se faisait de l’empire, ne pouvait avoir d’autre capitale que Rome, la résidence des antiques Césars. L’obligation morale qui incombait aux empereurs de s’y faire couronner fut l’occasion principale des guerres que les armées du Nord promenaient incessamment dans les campagnes de l’Italie ; c’était, du reste, la seule expédition pour laquelle les princes allemands dussent un contingent à leur élu.

Mais, au nord des Alpes, une ville s’imposa. Frankfurt, « gué des Franks », qui, dès le règne de Louis le Germanique, avait été le marché le plus actif du « Royaume oriental », prit naturellement une importance de premier ordre lorsque la plaine jadis lacustre, puis marécageuse, où elle s’élève eut été desséchée ; il est peu de régions en