Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome III, Librairie universelle, 1905.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
l’homme et la terre. — orient chinois

Rhin. Le lœss s’est formé pendant le cours des âges de tous les débris poussiéreux apportés par le vent. Chaque bouffée des tempêtes du nord-ouest amène un nuage de molécules ténues provenant de la désagrégation lente des montagnes, Sayan, Altaï, Tarbagataï et des plaines sous-jacentes. Étudiant l’aspect des ruines de Lulan, dans le désert de Lob, Sven-Hedin évalue à trois mètres l’épaisseur de la couche terrestre enlevée par la dénudation éolienne depuis seize siècles. Cependant, les amas de poussière qui exhaussent incessamment la Terre jaune ne sont pas assez épais pour étouffer la végétation superficielle et pour empêcher le développement de la vie animale ; les herbes continuent de croître, quoique graduellement enfouies ; la masse entière, depuis le rocher sous-jacent, est percillée d’innombrables veinules laissées par les radicelles des plantes, et partout des coquillages, ainsi que d’autres restes d’origine animale, sont épars dans les dépôts terreux. En certains endroits l’épaisseur de la Terre jaune, révélée par les entailles qu’y ont faites les eaux d’érosion, n’est pas moindre de 600 mètres, ce qui représente un volume équivalant à celui de chaînes de montagnes. On a calculé que l’humus fécond du Hoang-tu serait suffisant pour recouvrir la terre entière d’une couche de sol labourable d’un mètre de puissance.

Si le vent a formé les amas énormes de la Terre jaune, l’eau les détruit à son tour : le fleuve Jaune et ses affluents disposent de matériaux inépuisables pour accroître les plaines alluviales aux dépens de la mer. L’eau pénètre dans le sol meuble jusqu’à la roche dure ou à la couche d’argile imperméable qui le porte ; l’eau de pluie s’ajoute dans ces profondeurs aux filets qui s’épanchent souterrainement de la base des montagnes et, suivant des coulières cachées, se creusent des puits d’effondrements, indiquant la direction des vallées futures. Des masses s’affaissent selon cette direction et des ravines profondes se forment, avec branchements et ramifications, et présentant d’ordinaire des escarpements verticaux. Les pluies entament aussi directement le pourtour, et la moindre averse entraîne des coulées de boue que la sécheresse et le vent transforment de nouveau en tourbillon de poussière. Tout est jaune dans le pays, la terre, les eaux, l’air brumeux, le ciel où le soleil même se montre à peine à travers la poudre soulevée. Les maisons, les hommes sont revêtus d’un enduit jaune : il n’est de contraste que durant la fraîcheur des verdoyantes cultures. Mais